Perrette de Voulangis, et le pot au lait
Perrette est-elle une fille de chez nous ? Jean de la Fontaine est-il le plus illustre écrivain briard ? Notre coin de Brie lui a-t-il fourni les décors et les personnages de certaines de ces fables ? Même si l’auteur s’est inspiré d’écrits antiques, on cite souvent Esope, les fables regorgent de scènes, personnages et sites que La Fontaine aurait bien pu croisé par chez nous. Le récit en farce en fut fait, on l’appela le pot au lait … |
Il y a quelques années, la revue « la Seine et Marne- notre Département » , publiait un article de R.C. Plancke portant sur Jean de la Fontaine, son uvre et ses liens avec la Brie.
Nous avons repris ici quelques extraits de cet article. Quant à Perrette de Voulangis, c’est LA révélation de l’article qu’il faut lire jusqu’au bout pour tout savoir.
« Il fut un temps où historiens et littérateurs seine-et-marnais, soucieux d’accroître le rayonnement de notre contrée, qualifiaient Jean de La Fontaine de « poète briard », avec, semble-t-il, l’arrière-pensée de l’annexer à notre département.
Certains prétendirent même que ses descriptions des hommes, des animaux ou des paysages auraient été inspirées par la région de la Marne et des deux Morins.C’est ainsi que l’historien Pierre Mercier affirmait, en 1910 : « Le paysan de notre région vous fait argent de tout, convertit en monnaie des chapons, sa poulaille ». Pour sa sagesse pratique, « un sou bien assuré vaut mieux que ceux en espérance ».Comme si un laboureur beauceron, un cultivateur vosgien ou un fermier auvergnat n’étaient pas aussi âpres au gain que leur confrère briard ! Le même auteur voyait en Perrette « légère et court-vêtue », une fille de chez nous, comme si une jeune Gâtinaise ne pouvait courir nu-pied, nu-patte ?
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C’est tout juste si nos « nationalistes briards » n’ont pas prétendu que : »Maître corbeau, sur un arbre perché, (« Qu’est-ce qu’un arbre perché ? » de-mandait Jean-Jacques Rousseau qui n’aimait pas La Fontaine), tenait dans son bec un fromage » de Brie ou de Coulommiers?
La Fontaine était-il briard ?
A tout bien considérer, La Fontaine passa un grand nombre d’années dans la capitale, chez la duchesse de Bouillon, chez M de la Sablière, qui l’hébergea vingt ans et chez laquelle il composa son deuxième recueil de Fables, chez Mmme d’Hervart, chez laquelle il mourut…
Certes, l’illustre fabuliste naquit le 8 juillet 1621, à Château-Thierry, ville qui appartint, historiquement au comté de Champagne et de Brie et géographiquement, à la Brie.
La preuve en est donnée par une vielle géographie où l’on peut lire : « Chateau-Thierry : petite ville de Brie (‘Aisne). A propos de Château-Thierry, certains déploraient amèrement que « cette ville fasse aujourd’hui partie du département de l’Aisne, mais c’est là une des nombreuses erreurs géographiques que commit la Révolution lorsqu’elle découpa arbitrairement France en départements pour briser les anciennes provinces. Château-Thierry, par sa situation dans la vallée de la Marne, par la configuration de son sol, par son climat, ses cultures, par le type de ses habitants, appartient incontestablement au pays de Brie.
La mère de La Fontaine, Françoise Pidoux, était native de Coulommiers où elle vit le jour le 4 octobre 1582. Baptisée dans l’église Saint-Denis, elle était la fille de maître Jehan Pidoux, docteur en médecine et de Françoise Bobé. Elle appartenait par sa mère à une famille ancienne et distinguée de la ville ; la famille de son père était d’origine poitevine.
Plus tard, veuve, elle épousera en secondes noces Charles de La Fontaine, Maître des Eaux et Forêts à Château-Thierry. C’est pourquoi, le jeune Jean de La Fontaine venait passer l’été au château de Montanglaust, sur les hauteurs de Coulommiers, chez sa grand-mère maternelle. Selon la tradition locale, la « vieille côte », cette montée très rude qui menait au domaine familial, l’aurait inspiré pour sa fable « Le coche et la mouche » :
« Dans un chemin montant, sablonneux, malaisé,
Et de tous les côtés au soleil exposé,
Si forts chevaux tiraient un coche. »
la « mouche du coche » serait-elle, elle d’inspiration briarde ? Sans doute, mais plusieurs villages briards, dont Montceaux-les-Meaux, revendiquaient l’honneur d’avoir possédé ce chemin.
Des séjours en Brie
II est certain que La Fontaine séjourna à plusieurs reprises dans ce qui est maintenant la Seine-et-Marne. C’est ainsi qu’en 1641, il fut novice chez les Oratoriens de Juilly, mais ses maîtres s’aperçurent très vite qu’il n’était pas fait pour l’état ecclésiastique.
Toutefois, pendant ce court séjour, il aurait « puisé ici ses études de murs et son goût pour les animaux ».
Beaucoup plus tard, il fut reçu dans l’actuelle commune de Boutigny (canton de Crécy-la-Chapelle), au château de Belou et à celui de Magny-Saint-Loup. C’est dans cette dernière demeure, qu’invité par Gabriel Choart, receveur général de la généralité de Bordeaux et seigneur de Magny-Saint-Loup, il composa là « Le chat, le belette et le petit lapin » ainsi que « Les deux pigeons ». (Ndrl : C’est là qu’intervient l’aventure de l’abbé Choart conté par jms )
La Fontaine faisait aussi partie de la pléïade d’artiste réunie par Fouquet à Vaux le Vicomte.Nous lui devons outre « le songe de Vaux », poème inachevé, et une description de la réception fastueuse qui fut donnée en l’honneur du Roi Soleil et qui précipita la chute du surintendant.
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Perrette de Voulangis et le pot au lait
Laissons là, l’article de RC Plancke qui ne semblait pas en clin ce jour-là à reconnaître à La Fontaine une inspiration typiquement briarde.
Bien sûr les personnages et les décors des fables pourraient être issus de n’importe qu’elle province de France, toutefois il n’en est rien et nous aimons croire qu ils sont bien de chez nous, la preuve, c’est qu’ils le sont, à l’exception peut-être du Lion, de la cigogne et de la cigale.
Comment le corbeau de la fable aurait-il pu tenir en son bec un fromage qui ne fût pas un Coulommiers ? Un Brie de Meaux eût été un peu trop grand et le camembert n’existait pas à l’époque ! Je ne vous parle même pas de la feta d’Esope !
En ce qui concerne Perrette, le doute n’est plus permis non plus.
J’affirme ici que Perrette était bien de chez nous ; j’entends précisément : du pays créçois (communauté de paroisses à l’époque ??).
Pour sans convaincre, il suffit de lire cette aventure contée par la Fontaine lui-même, extraite d’une lettre adressée à Mme de Sévigné dans laquelle le nouvel académicien évoquait justement de ses sources d’inspiration.
« Nous nous rendions à Montanglaust (ndlr -Coulommiers) par la grande route royale (ndlr – il venait sans doute de Paris), quand nous dûmes, mon équipage et les miens, faire halte dans la charmante cité de Crécy, à quelques lieues tout juste de notre but, pour y réparer un limon rompu. Alors que le charron s »affairait sur la voiture, nous nous divertîmes en nous promenant le long de la rivière du Morin qui dans un coude entoure le vieux château et l »église du lieu.
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. d’un chemin creux descendant ici bas depuis le haut de la vallée, survînt une jeune pays, à quelques toises de nous. Fort guillerette, elle portait un pot de lait sur sa tête. Est-ce la vue de notre compagnie, en ce lieu inattendue qui la troubla, mais voici que la garce s’étale de son long, choyant à la fin sur son séant, belle et bien embourbée, pot au lait tout vidé. Ingrate compagnie, nous riâmes de bon cur de la farce et la fougueuse s’en prit à nous dans quelques jurons de Brye dont plus d’un échappèrent à notre raison
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Cette image à jamais, est restée gravée en ma mémoire ».
Qui parmi vous, habitués de Crécy, ne reconnaît les lieux et la trame d’une fable bien familière ?
J’identifie le chemin comme un de ceux qui mènent de Crécy à Voulangis. Il y en a plusieurs, peut-être celui dont parle la Fontaine n’existe plus.
Tant pis, il est là quand même.
Quand on constate que la fable en question qui fait partie du LIVRE VII, est exactement placée entre « le coche et la mouche » et « le curé et le mort » – deux fables dont l »inspiration locale est établie- on n’émet guère plus de doute quant à la briarité de l’oeuvre.
Bien sûr, je dois reconnaître que l’authenticité du texte de La Fontaine, cité plus haut, n’est pas fermement établie, mais on sait que ce n’est pas très important pour qui voudra bien croire, avec nous, à cette histoire.
veaux, vaches cochons, gambadez
touristes accourrez
car pas très loin des saules de Corot et du jardin de jms, se trouvent aussi , vous le savez maintenant, « les chemins de Perrette du pot au lait »!
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La description est limpide et la démonstration sans faille, cela s’est bien passé chez nous. Il est vrai que la configuration des lieux a beaucoup changé, notamment au niveau du carrefour après le pont dam’gilles, une carte de 1775 le montre, alors un siècle plus tot ce devait être encore différent.
Les chemins possibles où la scène a pu avoir lieu :
– la côte actuelle : la route actuelle qui monte a Voulangis passait alors par le raccourci que l’on apercoit à gauche en montant et que l’on appelle la vieille route (on l’appelait déjà ainsi en 1900, c’est dire qu’elle doit dater). Cependant était-ce un chemin creux ? et La fontaine a-t-il eu assez de courage pour monter la côte, j’en doute ? La scéne se serait passé tout en bas mais alors ce n’est pas dans le coude du Morin; donc peu probable
– le chemin qui grimpe tout droit en face du pont à côté du cimetière(départ du PR des 3 chateaux): sur la carte de 1775, ce chemin est indiqué comme étant la route principale continuant dans l’axe du pont (le cimetière était déjà présent); pourtant la pente est très raide, délicat de descendre avec un pot au lait; et ce n’est toujours pas dans le coude du Morin
– le chemin creux qui suit le GR 1 et grimpe vers le bois des morts (vous savez là où se trouve le cimetière protestant de la famille Martin). C’est bien dans le coude du Morin mais il ne figure pas sur le plan de 1775.
Le mystère demeure donc, le chemin creux a pu disparaitre mais on le situe bien sur la route de saint-martin entre le pont dam’gilles et le début du Pré Manche.
Au fait quels pouvaient être ces fameux jurons de la Brye ?
oui, mais on peut aussi penser que le « coude » correspond à une vue plus générale de la boucle que fait le Morin à Crécy ?
La carte à laquelle je fais référence est accessible par le lien :
Carte Crécy
Est-ce que l’on en parle dans le guide touristique de crécy pour lequel vous avez fait de la pub plus haut ?
Pour l’avoir lu, il n’y a pas référence à La Fontaine dans ce guide. Loin l’idée de jna de faire de la pub mais simplement de faire connaitre ce qui le mérite dans l’esprit de la e-attitude (voir l’article sur le sujet)
Le site internet de Chateau-Thierry dédié à La Fontaine a bien sur une version différente de l’inspiration de l’auteur : il fait référence à une nouvelle de Bonaventure des Périers; mais peut-être les deux sources sont complémentaires :
La laitière et le pot au lait