On the edge of the war zone – chapitre 30
CHAPITRE XXX
17 décembre 1916
Bien, nous n’avons pas gardé notre première division de dragons aussi longtemps que prévu. Ils ont passé une partie de leurs trois semaines en dehors des tranchées à Nanteuil et en voyage. Ainsi il nous a semblé qu’ils étaient à peine installés quand ils ont reçu l’ordre de partir. Ils ont été là seulement un peu plus d’une semaine. Je m’étais à peine habituée à voir l’Aspirant dans la maison, soit écrivant avec le chat sur ses genoux, ou lisant avec Dick assis à côté de lui dans l’espoir qu’il lui caresse la tête, quand un soir il vint et me dit calmement : « Bien, Madame, nous partons dans un jour ou deux. L’ordre pour la relève est arrivé, mais le jour et l’heure ne sont pas encore fixés ». |
Mais pendant la semaine où il était là je m’étais habituée à le voir assis devant le feu chaque soir après dîner, pour une petite conversation avant de se retirer. Il était plus enclin à parler de politique que de guerre, et plein de curiosité au sujet de « votre Monsieur Wilson », comme il l’appelait. De temps en temps il parlait de questions militaires, mais c’était technique et stratégique, et ne concernait pas les événements. C’est un soldat enthousiaste, et pour lui, naturellement, la cavalerie est toujours « la plus belle arme de France ». Il aimait expliquer l’utilisation de la cavalerie dans la guerre moderne, les bénéfices qu’on pouvait encore en tirer, équipée comme elle l’était, avec les mêmes armes que l’infanterie, transportant des carabines, ayant ses divisions d’hommes équipés de grenades à main, de mitrailleuses prêtes à entrer en action, arrivant au galop avec la rapidité de l’éclair, sur un terrain où l’infanterie doit se mouvoir lentement et avec difficulté, et prêts à tout moment à descendre de leur monture pour finir de combattre à pied. La manière dont il décrivait tout cela sonnait de façon très logique.
Il avait été sous des bombardements, dans des expéditions de reconnaissance, mais jamais encore dans une charge, ce qui est naturellement son rêve ambitieux. Il y avait une expression de réel regret dans sa voix quand il dit un soir : « Hélas ! Je n’ai pas encore eu la plus petite réelle opportunité de me distinguer ». Je lui rappelai qu’il était encore très jeune. Il me regarda de façon tout à fait indignée en me répondant : « Madame oublie qu’il y a des aspirants pas plus âgés que moi dont le nom est inscrit au tableau d’honneur ». Vous voyez une vieille dame, inhabituée à un point de vue de soldat, peut faire des gaffes en se sentant pleine d’empathie. La relève s’effectua tranquillement. Elle faisait partie de la routine de la vie des soldats. Ils ne la voyaient même pas comme quelque chose de pittoresque. Il était tard la nuit de vendredi dernier, quand une ordonnance apporta la nouvelle que l’ordre était donné de partir le matin du 11, trois jours plus tard, et ce n’est pas avant la nuit du 15 que nous nous sommes retrouvés au calme. L’équipe que nous avions ici se partagea en deux divisions : de bonne heure le lundi-matin, le 11, les chevaux furent sellés, et à 10 H. il commencèrent à partir. La moitié des hommes avaient un équipement complet, les autres formaient une escorte jusqu’à Meaux, d’où ils ramenaient les chevaux sans cavalier. Les officiers m’expliquaient tout cela. La division partant ce jour pour les tranchées descendit à Meaux, et prit un train pour la station la plus proche de la Forêt de Laigue. Là ils eurent leur soupe chaude et attendirent la nuit pour marcher dans les tranchées dans l’obscurité. Ils m’ont dit que ce n’était pas une longue marche, mais une dure marche, comme c’était au haut de la colline, sur un terrain humide et glaiseux, où il était difficile de ne pas retomber aussi vite qu’on avançait. En arrivant dans les tranchées ils trouveraient les hommes qu’ils devaient relever, prêts à glisser en bas de la colline vers le chemin de fer où ils auraient leur café du matin, et attendraient le train pour Meaux où, sauf retard, ils devaient être à midi le jour suivant. Ainsi, dans l’après-midi du 12, les hommes qui avaient formé l’escorte le jour précédent conduisirent les chevaux à Meaux, et juste avant 4 H. tout le monde arriva sur la colline. Cette fois j’ai vu les hommes dès la sortie des tranchées. Ils étaient tristes à voir en dépit de leurs nobles esprits. La boue glaiseuse et jaune de trois semaines passées dans les tranchées était tellement épaisse sur eux, que je me demandais comment ils pouvaient monter leurs chevaux. Je n’ai jamais vu une foule plus sale. Même leurs visages semblaient rigides. Ils ont simplement dégringolé de leurs chevaux, laissé l’escorte les mettre à l’écurie, et se sont précipités vers l’établissement de bains qui est au pied de la colline à Joncheroy. S’ils ne peuvent pas prendre un bain, se désinfecter, et se changer avant la tombée de la nuit, ils doivent dormir sur la paille avec les chevaux la première nuit, comme ils sont indignes, pour plus de raisons que je n’aimerais vous dire, d’aller dans n’importe quelle maison, et qu’ils n’y sont pas autorisés. Ces nouveaux arrivants avaient vingt-quatre heures pour se reposer, et alors, jeudi, ils ont escorté la seconde division, et l’Aspirant est allé avec cette division, et les hommes qui les relevaient sont arrivés vendredi, et maintenant nous sommes installés pour trois semaines. Avant de partir l’Aspirant m’a présenté le Lieutenant supérieur qu’il avait remplacé au commandement sur ma colline, un homme d’un peu plus de trente ans, homme d’affaires dans le privé, et tout à la fois charmant, très cultivé, amateur de livres, et connaisseur d’art. C’est un neveu de Lépine, Préfet de Police de Paris pendant de si nombreuses années, et un cousin du Sénateur Reynault qui fut tué dans son avion à Toul. Ce dernier, célèbre comme patriote courageux pour son engagement volontaire, il était, en raison de son âge, exempté du service actif, le fut également comme sénateur, et comme médecin. Je commence à croire, selon mon expérience, que tous les officiers de cavalerie sont de parfaits gentlemen. Le Lieutenant s’est immédiatement adapté. Il met le charbon dans le feu quand il fait nuit. Il joue avec les animaux. Il frappe à la porte, et il est aussi tranquille qu’une souris, et aussi actif qu’une abeille. Ce sont toutes mes nouvelles, sauf que j’espère aller à Paris pour Noël, et par la même occasion à Voulangis. Tout cela est très incertain. Ma permission n’est pas encore arrivée. Cela fait plus d’un an que nous sommes reclus. Mes amis à Paris m’appellent leur permissionnaire quand je vais en ville. Dans les quelques boutiques où je suis connue tout le monde rie lors de mes rares apparitions, et me salue d’un « Ah, ainsi ils vous ont encore laissée partir ! » comme si c’était un grosse blague, et je vous assure que cela me semble en être une. Les soldats dans les tranchées ont huit jours de permission tous les quatre mois, je ne semble pas en avoir plus, si toutefois j’en ai autant. |
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