On the edge of the war zone – chapitre 24
CHAPITRE XXIV
23 Mai 1916
Je commence à penser que nous n’aurons pas une météo normale avant que les tirs de canons ne cessent. Nous avons eu des averses de grêle qui n’étaient pas de saison, et qui ont détruit tous les boutons des arbres fruitiers, aussi, en plus d’autres ennuis, nous n’aurons pas de fruits cette année. Il n’y a rien de nouveau ici, sauf que le Général Foch est à l’hôpital à Meaux. Personne ne le sait. Il n’y a pas eu un mot à ce sujet dans les journaux. C’est le résultat d’un stupide, mais inévitable, accident d’automobile. Afin d’éviter une femme et un enfant sur une route proche, l’automobile dans laquelle il roulait rapidement en compagnie de son gendre s’est écrasée contre un arbre. Heureusement, bien que touché à la tête, il n’a pas été grièvement blessé. Jeudi, Poincaré est passé par notre colline, avec Briand, en route pour rendre visite au Général à son chevet. Je ne l’ai pas vu, mais il y a des gens à Quincy qui l’ont vu. Foch l’a échappé belle. Il aurait détesté mourir pendant la guerre d’un simple accident d’auto sans rapport avec sa mission militaire, et l’armée ne pouvait pas se permettre en ce moment de perdre un des héros de la Marne. Le fait ayant été soigneusement caché, nous l’avons appris par notre hôpital, qui est une branche de celui de Meaux où il est soigné. |
Trois mois se sont écoulés depuis que la bataille de Verdun a commencé, et cela continue avec les allemands distants d’à peine quatre miles de la cité, (un mile = 1,609 kilomètre) . On dirait même depuis peu qu’ils savaient que la bataille, la plus terrible que le monde n’ait jamais connue, était un échec. J’ai quand même changé d’avis. Je commence à croire que les allemands concentraient toutes leurs forces sur cette frontière en Août 1914. Quand leurs troupes qui étaient sur les lignes de front étaient disponibles, et qu’ils plaçaient haut leurs espoirs, ils l’auraient probablement franchie. Personne ne peut le savoir. Mais il semble que cela aurait été le cas, et beaucoup de militaires le pensent. N’est-ce pas une sorte de justice poétique de penser que si l’Allemagne avait combattu honorablement elle aurait pu atteindre Paris ? « Ceux que les dieux veulent détruire ils les rendent d’abord fous », (extrait d’un poème de l’anglais Henry Wadsworth Longfellow, La mascarade de Pandore, cf. Wikipedia).
Je ne fais rien d’autre que travailler dans le jardin les rares jours où il ne pleut pas, et écouter le canon. Cela peut être un sujet très intéressant pour une lettre. Le silence ici, qui m’était si cher aux jours de mon installation, est toujours là. Mais, Oh, la différence ! De temps en temps, malgré soi, la seule pensée de tout ce qui se passe si près de nous refuse de s’installer dans la perspective. Elle s’échappe du cadre du patriotisme et du bonheur des jours à venir. La seule chose à faire consiste à chercher des consolations visibles, et on peut toujours en trouver. Par exemple, ne semblerait-il pas logique qu’une telle guerre puisse rendre brutaux les hommes qui sont dedans ? Ce n’est pas le cas. Elle semble avoir juste l’effet contraire. Je ne peux pas vous dire combien les hommes sont bons les uns avec les autres, et combien ils sont gentils avec les enfants. C’est étrange mais c’est ainsi. Je ne cherche pas à comprendre. Je vous l’écris simplement. |
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Quelle personnalité cette Mildred Aldrich née en plein milieu du 19e siècle ! D’abord institutrice, parcours classique chez les femmes, peu nombreuses dans les classes moyennes et supérieures, qui travaillaient, quand elles pouvaient faire des études, puis journaliste et correspondante de guerre à l’étranger, et, Bravo :-e) décorée dans l’Ordre de la Légion d’Honneur pour son action politique. Là le parcours est beaucoup moins classique. Et son témoignage campe un modèle de femme qu’on imagine très moderne pour son époque. Maintenant il est possible que je traîne des images qui viennent de la vieille Europe, et que dans le Nouveau Monde ce fut différent :#
Pas évident que concernant la femme ce fut mieux dans le Nouveau Monde. Je me suis dit que faire des recherches du côté du droit de vote des femmes apporterait un éclairage intéressant. D’après Wikipedia il y a des pionniers :
1807 New Brunswick
1776 à 1807 New jersey
1869 Wyoming
1893 Colorado
1896 Utah et Idaho
Entre 1919 et 1920 pour beaucoup d’états, dont Rhode island, (1920), d’où était originaire Mildred. Chez nous c’était en 1945.
Les lanternes rouges :
1973 Caroline du Sud
1958 Maryland
1969 Floride
1971 Caroline du Nord
1952 Virginie
1953 Alabama
1970 Louisiane
1984 Mississipi
Oui quand même, de façon générale, les américaines ont eu le droit de vote bien avant nous.