On the edge of the war zone – chapitre 19
CHAPITRE XIX – Jour de Noël 1915
Bien, je suis là, seule, pour mon second Noël de guerre ! Tous mes efforts pour obtenir un permis de sortir ont échoué.
Dix jours après la dernière lettre que je vous ai écrite, il y a eu une rumeur selon laquelle tous les étrangers devaient être expulsés de la zone des opérations militaires. Mes amis, à Paris, commencèrent à me presser de fermer la maison et d’aller en ville, où je pourrais au moins avoir plus de confort. |
Je ne peux simplement pas. J’ai l’habitude de vivre seule. Je ne suis pas apte à vivre parmi des personnes actives. Si je quitte ma maison, qui requière une attention constante, elle connaîtra une condition terrible, et une fois partie on ne sait pas quelle difficulté je pourrais avoir à revenir. Le futur est tellement incertain. D’ailleurs je ne veux vraiment pas m’attarder sur ce problème.
J’ai fait deux tentatives pour obtenir la permission d’aller à Voulangis, distante de seulement cinq miles, (le mile, unité de mesure anglo-saxonne mesure environ 1,600 kilomètre). J’ai écrit deux fois au Commandant du Corps de la Cinquième Armée. Je n’ai pas eu de réponse. Alors on m’a dit que je ne pouvais pas espérer le joindre par une lettre personnelle, que je devais communiquer avec lui à travers les autorités civiles. J’ai fait une tentative désespérée. J’ai décidé d’oser la voie réglementaire et de faire appel au Commandant des gendarmes à Esbly. Là j’ai eu un curieux interview, d’abord très discret et très captieux, dans la mesure où ils étaient concernés. A la fin, cependant, j’ai eu le plaisir de voir mes deux lettres à Monsieur le Général, attachées à une longue feuille de papier pleine de texte, mon dossier, comme ils l’appelaient. Ils n’ont pas daigné me dire pourquoi mes lettres, envoyées aux états-majors de l’armée, avaient été déposées à la gendarmerie. Je suppose que ce n’était pas mon affaire. Ils ne m’ont pas non plus fait savoir ce qui était écrit sur la longue feuille à laquelle les lettres étaient attachées. Finalement ils ont bien voulu me dire qu’un gendarme avait été à la mairie à mon sujet, et que si je me présentais à Quincy le lendemain matin, je trouverais une requête concernant ma demande attendant ma signature. Elle arrive trop tard pour le projet qui m’avait incitée à la demander, mais elle me permettra d’aller à Paris, si je l’obtiens. A défaut d’autre compagnie j’ai invité Khaki à prendre le petit-déjeuner avec moi aujourd’hui. Il ne m’a pas officiellement promis de venir, mais il était là. Il m’en a été reconnaissant, s’est très bien conduit en vérité, et n’a pas dérangé les décorations de la table. Heureusement elles n’étaient pas comestibles. Il s’est assis sur une chaise à côté de moi, et de temps en temps, je devais lui pardonner de mettre son coude sur la table. Il l’a fait de la façon la plus gracieuse, et j’étais étonnée qu’il ne s’assoit pas dessus. Il avait sa propre fourchette, sauf que, de temps en temps il devenait impatient, et tendait une patte blanche pour prendre un morceau de poulet de ma fourchette juste avant qu’il n’atteigne ma bouche. Il n’a pas commis de graves manquements aux bonnes manières de table. Il a refusé avec opiniâtreté de garder sa bavette, mangé plus que moi, et mieux apprécié le repas. En fait je ne l’aurais pas du tout apprécié pour moi mais pour lui. Il a eu un moment merveilleux. Je n’ai pas invité Garibaldi. Il ne connaît rien à ce sujet. Il est trop jeune pour apprécier une « réception». Il a joué dans le jardin pendant le repas, heureux et content d’avoir un énorme petit-déjeuner de pain et de sauce ; c’est un mangeur de pain, tout à fait français. Je suis même allée jusqu’à m’habiller pour Khaki, et à mettre une rose de Noël dans mes cheveux. Hélas ! Il m’a fait perdre mon temps. Ce sont toutes les nouvelles que j’aie à vous donner, et je ne peux même pas vous envoyer un message d’espoir pour 1916. La fin me semble plus loin qu’elle ne me paraissait au début de l’année. Il me semble que le monde commence seulement maintenant à réaliser ce qui l’attend. |
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