A Servin
Voici quelques mois maintenant, toujours en quête denouvelles reliques ayant trait au patrimoine créçois (et d’ailleurs aussi),j’ai eu l’occasion d’acquérir une œuvre non répertoriée de l’artiste AmédéeServin, maître de la vallée du Grand Morin.
Avant son retour en Pays Créçois, ce « vieux dessin » signé A.Servin, se trouvait en vente chez un brocanteur du Calvados qui le tenait d’unefamille à qui il avait appartenu pendant plus de cent ans. |
En effet, quelle ne fut pas ma surprise endécouvrant dans ce cadre atypique, la roue à aube du Moulin Ballé à Villierssur Morin. Je pris ma loupe et ma gravure de presse de l’époque pour comparerles lieux. La localisation de cette œuvre ne laissa aucun doute.
Amédée Servin découvre notre vallée en 1857 etdécide d’établir son atelier à Villiers-sur-Morin. A quelques pas de là se trouvait le moulinBallé (nom du propriétaire du moulin alias Nazareth Ballé, meunier deprofession à cette époque) dont la représentation la plus connue peinte parl’artiste se trouve au musée des Beaux Arts de Marseille. Du moulin Balléaujourd’hui, il ne subsiste plus que la roue à aubes, et il a été rebaptisé enmoulin Brûlé. Restait à prouver l’authenticité de l’œuvre. Nous nous précipitons donc chez nos spécialistes despeintres de la Vallée, à la Galerie de Crécy. Après expertise visuelle et étudede la signature, c’est avec un sourire contemplatif que son authenticité nousest confirmée… C’est bien un dessin d’Amédée Servin, et comme l’a joliment ditMonsieur Mazet, c’est un achat… pas idiot ! En professionnel averti, il nous alerte cependantsur les ravages du temps qui avaient commencé à endommager le dessin. Destraces rousses et des moisissures étaient présentes. Une restaurations’imposait. Sur les conseils avisés de Mr Mazet, nous prenons donc rendez-vousà l’Atelier du Papier, à Dammartin sur Tigeaux. Nous sommes reçus par Mme Sylvette Hubert,professionnelle de la restauration de vieux papiers et du travaild’encadrement. Nous lui confions le cadre contenant le dessin etson premier constat est qu’il n’a jamais été décadré. Le cadre est ancien et debelle facture. Le verre n’a pas été usiné de manière industrielle et contientdes paillettes de silice et des bulles d’air Tenaille en main, Mme Hubert décadre le dessin collésur un carton et enlève le passe-partout. Aucune annotation cachée ne nous estrévélée, juste les marques de l’encadreur qui lui ont servi à fabriquer lepasse-partout et centrer l’œuvre dans le cadre. Ce dessin au crayon rehaussé à la craie a étéréalisé sur du papier vergé bleu. L’exposition prolongée aux rayons solaires aentraîné cette dépigmentation, le bleu n’est plus visible que sur l’envers etles parties recouvertes par le cadre en bois. Le papier est atteint par quelques moisissures etdes tâches rousses dues à l’acidité des matériaux utilisés à l’époque.Impossible de le traiter par des bains sans effacer le crayon et la craie. Commence alors un travail minutieux, voirechirurgical. Le dessin est traité par tamponnade et au scalpel par Mme Hubert. Les traces de moisissures sont gommées, les tâchesrousses neutralisées avec une recette dont elle seule connaît les secrets. Et grâce au savoir-faire de Madame Hubert, et àl’utilisation de matériaux adaptés à la conservation de vieux papiers souscadre, cette oeuvre d’Amédée Servin est maintenant repartie pour traverser unnouveau siècle, pour le plaisir des yeux, pour la contemplation, et dans un butde conservation du patrimoine pictural du pays créçois. Dessin de Servin avant et après La roue à aube du moulin Ballé à Villiers sur Morin,par la main même de celui qui a été qualifié de « Maître de la Vallée duGrand Morin », nous permet d’entrevoir, furtivement, un instant du passé villermorinois. D’ailleurs, un monumenta été érigé à l’initiative de ses amis artistes et voisins. Un devoir demémoire envers un Grand Homme dont la maîtrise artistique reste incontesté, quia œuvré pour l’apprentissage et la transmission de son savoir, dans cetteséduisante vallée. |
La conservation-restaurationd’une œuvre sur papier…
Le restaurateur de papier restaure, prévient oustabilise les facteurs de dégradations. Il agit sur les causes externes(variations d’hygrométrie, polluants de l’air, lumière, nuisibles) et internes(éléments acides, évolution des fibres…). Son activité concerne la restaurationde tous les ouvrages en papier. Car notrepatrimoine écrit est soumis à l’épreuve du temps. L’œuvre surpapier, comme le document graphique, subit des dégradations dues en partie auxconditions de conservation insuffisantes. Les papiersjaunis ou tachés (notamment par l’acidité du carton d’encadrement), froissés,déchirés, pliés, troués, mouillés, moisis, avec auréole, décollés de leursupport, gauchis… peuvent ainsi, après restauration, se conserver dans letemps. Larestauration, au-delà des premières interventions de conservation, apporte uneréparation plus importante des dégradations, le rapprochement des déchirures,le comblage des lacunes jusqu’à l’estompage, dans un souci esthétique. Ses travaux concernent des œuvres originales imprimées telles quegravures, lithographies, des œuvresoriginales uniques (dessins, aquarelles, lavis, peintures sur papier oucarton..), les œuvres écrites imprimées ou manuscrites, les affiches,cartes ou plans et les objets revêtus de papier, les cartons publicitaires… Mme Hubert a accepté de se prêter à quelques questions-réponses,pour nous éclairer sur la passion qui l’anime. J’ai débuté par l’encadrement, qui a d’abord été unloisir que je pratique depuis de nombreuses années, mais j’avais l’intentiond’en faire une activité professionnelle par la suite. J’ai suivi une formationdans ce domaine et me suis spécialisée dans la restauration. Depuiscombien d’années pratiquez-vous cet art ? La restauration est mon métier depuis plus de 16 ans. Quelle est l’oeuvre la plus ancienne que vous ayez eu àrestaurer ? C’est une carte géographique, constituée de plusieursfeuilles gravées, qui date du XVIème siècle. Quisont vos clients ? Je travaille avec de nombreuses institutions comme laBibliothèque Nationale, les Archives Départementales, les mairiesenvironnantes, les musées locaux, les galeries d’art, ainsi qu’avec mesconfrères, encadreurs, doreurs, et bien sûr, les collectionneurs privés et lesparticuliers. Vous est-il arrivé de prendre des stagiaires dans votredomaine de compétence pour enseigner ou transmettre votre savoir-faire ? Tout à fait, il m’arrive fréquemment d’accueillir desstagiaires qui se destinent à ce métier, et qui préparent le concours de restaurateurd’art. Plusieurs écoles proposent cet enseignement, mais les places sont rareset les candidats doivent être vraiment méritants. Quelle est la restauration ou sauvegarde dont vousêtes la plus fière, ou qui vous a particulièrement touchée ? Au-delà de la valeur d’une œuvre, nous sommes souventtouchés par l’histoire qui lui est attachée. Il m’est arrivé par exemple d’êtrecontactée par des personnes qui avaient retrouvé des notes manuscrites dans ungrenier, sur un cahier d’écolier. Elles appartenaient à leur mère, qui, pendantla Seconde Guerre Mondiale, entretenait une correspondance avec son marimobilisé au front. Quand ce dernier fut envoyé dans un stalag comme prisonnierde guerre, la communication n’était plus possible, mais elle a continué àraconter son quotidien à son époux. Desannées plus tard, les enfants de ce couple ont retrouvé les notes et me les ontconfiées pour sauvegarde et restauration. Elles ont été offertes à leur pèrepour ses 90 ans. Dansle même esprit, j’ai entrepris une sauvegarde d’une carte d’un FFI, transmisepar sa fille. C’est tout ce qui lui restait de son père qu’elle avait perdu àl’âge de 3 ans. Une carte buvard rose, pliée, usée, scotchée, que j’aienchâssée dans un papier du même type pour pouvoir être manipulée, puis gomméeet nettoyée. Mme Hubert était présente aux journées ducompagnonnage et des métiers d’art à la Collégiale en 2011, et le sera lors dela prochaine édition prévue les 19 et 20 octobre 2013. Et d’ici-là, si vous souhaitez admirer ses travauxet qu’elle vous explique ses différentes techniques, rendez-vous ce week-end auchâteau de Blandy-les-Tours, pour les Journées européennes des Métiers d’Art.Seront présents des ébénistes, des marqueteurs, des maîtres verriers,tapissiers, maroquiniers, de nombreux artisans d’art de la région… et, àtravers ce dessin reliant l’art, le patrimoine et la culture, notre plus grandpeintre… Amédée Servin, le Maître de la vallée du Grand Morin. Château de Blandy -les-Tours Ouverture samedi 6 avril de 12h à 18h et dimanche 7 avril de10h à 18h Entrée gratuite. |
Etpour tout renseignement si vous êtes intéressés par son travail :
Sylvette Hubert Sources et remerciements : |
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Un bel article, comme on les aime sur le site.
Une occasion de présenter un métier rare et précieux au temps de la numérisation.
Merci Indiana
Bravo Franck pour ce superbe article :-e)
Parfais Indiana ,le buste d’Amédée SERVIN est un bronze de FAlguière notre visite avec les personnes concernées doivent se faire
???
Pouvez-vous reformuler votre phrase svp ?
la rencontre prévue entre Mr le Maire de Villiers et le propriétaire du Moulin 😎
Bravo IndianaJones, pour l’article bien sur mais aussi pour s’intéresser autant à nos artistes, à leurs uvres, à notre patrimoine artistique mais aussi paysager et environnemental (on se comprend 😉 )
On aimerait tant que d’autres en fassent autant, et notamment dans le monde politique local qui ne fait pas assez pour l’art, le tourisme, le patrimoine. Je pense à l’office du tourisme dont l’avenir reste incertain, au beau projet de musée si décrié.
Merci à IndianaJones pour ce qu’il fait, pour ce qu’il est, on voudrait avoir plein de IndianaJones en pays créçois.
Je confirme, et d’ailleurs je ne sais pas ce que qui s’y est passé là-bas, dans les terres voisines de la Brie, mais il n’est plus lui-meme depuis…
J’avais déjà vécu avec Henri II pendant quelques temps, mais là c’est un drôle de mélange, entre Nicolas Hulot, Bougrain-dubourg et une touche de Dany le rouge.
S’il se laisse pousser la moustache comme José B., faudra commencer à s’inquiéter !! 😉