La Tour aux Saints
Les 15 et 16 septembre dernier ont eu lieu les 24èmes journées duPatrimoine, qui ont fait l’objet d’un article sur l’exposition organisée par leClap, salle Altmann.
On pouvait lire sur les panneaux de l’expo que bon nombre de reliquesprésentes dans nos églises ont été repêchées dans le Morin. Des statuesaujourd’hui remises en état mais dont l’origine reste incertaine, puisque leMorin a pu les charrier sur plusieurs kilomètres. Depuis le Moyen-Age, la rivière a servi à tout, au commerce, au transportde marchandises, à la lessive, à nourrir les habitants. Son lit est une mine d’information sur l’histoire locale qu’une associationd’archéologie sous-marine entreprend de mettre au jour, depuis plus de 25 ans.Tech Sub Association regroupe des plongeurs bénévoles spécialisés dans cedomaine. Leur repaire se trouve dans la Tour aux Saints, qui était ouverte au publicpendant ces Journées. |
En France, la pratique de l’archéologie ou de touterecherche pouvant conduire à des trouvailles archéologiques est soumise à la législation.Il est nécessaire d’obtenir les autorisations dela Direction Régionale des Affaires Culturelles, de l’INRAP (Institut Nationalde Recherches Archéologiques Préventives), et du propriétaire du terrain. Leszones de prospection accordées exclusivement au club s’étendent de Serbonne àVilliers.
Le milieu aquatique est très favorable àl’archéologie, pour 2 raisons principales : Les recherches en eaux douces, et notamment celles de nosrivières, constituent la majorité des projets de fouilles en cours. Elles ontun passé plus récent que celles menées en lacs et se développent depuis 20 ans,grâce à la pénétration de l’archéologue en personne dans l’élément aqueux. la zone de fouilles sur Crécy est illustrée ci-dessous en rouge : Les premières plongées ont eu lieu en 1980. La principale zone exploréedepuis 25 ans se situe le long du Pré Manche, derrière le parc de l’EgliseSaint-Georges. Dans les premiers temps, il suffisait de plonger avec un masque pourremonter des poteries ou objets divers. Maintenant que la couche supérieure aété explorée, il faut tamiser avec soin le lit de la rivière pour accéder auxniveaux inférieurs. L’eau du Grand Morin n’ayant rien à voir avec les fondsbleus de la Méditerranée, le club a dû s’équiper d’engins tels que dessuceuses, des pompes, pour aspirer la terre et permettre une exploration plusprofonde. La visibilité moyenne est de 2 mètres (mais ça dépend desjours !). Le moindre fragment est ainsi localisé, remonté, nettoyé, daté et répertorié. Les campagnes de fouilles successives ont déjà permis de mettre au jourdes objets remontant jusqu’au XVIIème siécle. Chaque campagne de fouilles donnelieu à des rapports transmis à l’INRAP. Poteries et amphores. Quelques bouteilles sont retrouvées fermées et remplies, mais cela resterare. Certains fragments doivent souvent rester immergés, car l’eau a assuré leurconservation jusqu’à présent, et au contact de l’air certains matériaux s’oxydentet s’abîment (comme l’étain, par exemple). Beaucoup de monnaies anciennes ont aussi été retrouvées au fond de l’eau Jetons monétaires Des déchets alimentaires, des déchets du fonctionnement des anciennestanneries ont été repêchés. Des sondages sont régulièrement entrepris sousles eaux du Grand Morin. Au-delà du dépotoir post-médiéval qu’était le GrandMorin, on cherche à saisir le rôle exact de la rivière dans la vie de lapopulation. Aujourd’hui, tous les efforts des membres sontconcentrés entre le cours principal du Morin et le brasset qui mène au pontCourt. Des potelets fichés dans l’argile, totalementcouverts de sable et de gravier, ont été découverts. D’un diamètre moyen de 60mm, parfois environnés d’un blocage de pierres, ils ont été datés après analyseau carbone 14 de la fin du XIIIème siècle. Du métal, quelques tessons encéramique trouvés dans le blocage confirment cette période. L’identification de cette structure quiaujourd’hui compte 39 pieux est encore difficile. Il pourrait s’agir d’unepêcherie rudimentaire. Des coquemarstripodes à glaçure verte, quelques petits grès sont les reliques les plusreprésentatives de l’époque. Coquemars Tripode à glaçure verte (en bas) et potà moutarde début XVIIIème (au milieu) Pour la petitehistoire, Pierre Villié nous a confié avoir testé ces récipients, destinés àréchauffer la nourriture, dans une des cheminées de la Tour aux Saints. Lestripodes se plaçaient devant l’âtre, et non sur les cendres, sinon la céramiquen’aurait pas résisté à la chaleur. Il a fallu plusieurs heures pour mettre àtempérature les haricots placés à l’intérieur, ce qui explique peut-êtrepourquoi les maîtresses de maison de l’époque se mettaient aux fourneaux dèsl’aube. Des assiettes àculs noirs, de la faïence XVIIIème, quelques étains XVIIIème sont exposés dansles vitrines. Ils sont les témoins des débarrassages successifs faits depuisles embarcations dans l’axe du cours d’eau. Des armes ont aussi étéremontées, glaive d’infanterie ou comme ici des mousquets (XIXème siècle) Des clés, desinstruments médicaux, des armes rudimentaires, des pointes de flèches ou delance, de la vaisselle sont autantde témoins de l’apogée de la vie de la cité au cours des siècles derniers. Crécyconstituait au Moyen-Age un important relais marchand entre l’Ile de France etla Champagne où transitait et s’échangeait nombre de marchandises (peaux,laine, drap et toiles…) Ci-dessous une seringue à clystère, inventée au XVIème siècle pouradministrer les lavements. D’abord en bois puis en métal, cette seringue estl’ancêtre de celles que nous connaissons. Le Grand Morin était alors une voie d’eau navigable et pleinementutilisée notamment pour le transport du bois. On peut aussi apercevoir sur cette photo des piques, des crocs de batelieret des grappins qui servaient à l’époque du port au bois, pour attraper lesgrumes et les ramener sur la rive. Le club a établi sa base à la Tour aux Saints, érigée entre le XIIème et leXIIIème siècle. L’endroit a été rénové avec l’aide de la municipalité et desbonnes volontés, ce sont en effet les membres du club qui ont assurél’aménagement intérieur et la construction de la mezzanine au deuxième étage. Ancien passage qui donnait accès surle rempart, transformé en fenêtre Lors des travaux d’aménagement, les plongeurs ontdécouvert les passages, comblés depuis, vers les remparts qui partaient de laTour. Certaines meurtrières ont été comblées, et d’autres transformées enfenêtres. Les membres du club ont retrouvé dans le jardin, lors des travaux derénovation, des restes du rempart. Ancien passage qui donnait accès surle rempart, aujourd’hui condamné Lesactivités de plongée sont en sommeil pour l’hiver, et avant la trêve hivernalenous avons pu admirer le résultat de la campagne de fouilles 2012. Mais au printemps, si cela vous tente, tous lessamedi après-midi de mai à fin septembre entre 15h et 18h, le site de Crécyréunit les membres de l’association. Les licenciés ont la possibilitéd’acquérir les premières bases théoriques et de s’initier aux principalestechniques de l’archéologie et ce, en participant à un chantier archéologiqueréel. Pour l’aspect technique, il faut être licencié FFESSM (FédérationFrançaise d’Etudes et de Sports Sous-Marins) niveau II. Une cotisation annuelledonne droit à participer à toutes lesactivités organisées à Crécy. Les plongeurs doivent disposer d’un équipement deplongée complet. Les bouteilles de plongée et l’air sont fournis par le CentreFédéral. Pour tout renseignement, vous pouvez contacterPierre Villié, président du Centre Fédéral d’Archéologie, rue de la Tour aux Saints à Crécy. Il reste encore énormément de vestiges à découvrir.La zone couverte par les fouilles depuis 25 ans reste infime, et il y a du travail,encore au moins pour un siècle ! sources : http://tech.sub.pagesperso-orange.fr Photos IJ |
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Bravo pour cet article très intéressant et magnifiquement illustré :-e)
C’est d’autant plus intéressant que la tour aux saints n’est ouvert que très rarement.
Un bel article, propre, clair et net.
Un point précis sur les activités du club, une originale et instructive de la Tour aux Saints … :-d)