Blason de Crécy, nouvelle piste ?
Le blason de la bonne ville de Crécy nous est familier avec ses trois croissants d’argent entrelacés. Dans une série d’articles parus en 2006, j’avais émis un certain nombre d’hypothèses quant à l’origine et la signification de ce beau et fier blason.
L’explication commune qui veut que notre blason ait été inspiré des armes de Catherine de Médicis est très discutable, car elle repose sur de nombreuses incohérences, exposées dans les premiers articles. Toutes les hypothèses que j’ai avancées ne sont pas démontrées, ce sont des pistes, des portes ouvertes vers des interprétations plus plausibles. |
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Blason collector
Dans un des précédents articles nous avions vu que le blason de Crécy présenté dans l’armorial des communes de France était celui des Chatillon, anciens seigneurs de Crécy aux XII ème et XIII ème siècles. Pour l’anecdote, j’ai de nouveau croisé cette représentation sur le net. Il s’agit, d’une vignette de collection émise par les cafés « SANKA » vers 1930. Cette marque de café fidélisait ses clients en leur proposant de collectionner des vignettes illustrant les blasons des communes de France. |
C’est à la fin du XVIème ou peut-être au siècle suivant, que le blason moderne de Crécy aurait été créé. Pour espérer comprendre sa signification, il aurait été bien utile d’en connaître le commanditaire. J’ai donc laissé traîner mon imagination.
Le blason a été créé à la fin du XVème dans une période au cours de laquelle il n’y avait plus de seigneur installé physiquement à Crécy, le château était probablement délaissé, et la ville s’était vraisemblablement prise en main, sous l’influence d’un conseil municipal et de représentants issus des notables et de commerçants aisés : les bourgeois. Du coup, on peut supposer que la création du blason à l’initiative d’une bourgeoisie locale influente s’est inscrite dans une logique d’émancipation de la cité et que la vocation du blason était plus, de symboliser l’aspiration à une forme de liberté que d’une soumission à une autorité seigneuriale, fût-elle royale. |
Les tanneries, à l’époque, étaient probablement installées à l’intérieur de l’enceinte fortifiée. Ce n’est que plus tardivement qu’elles se sont déployées le long du grand brasset, en lieu et place des remparts.
Le quai des tanneurs était le lieu le plus désigné pour accueillir une telle industrie, car situé en aval du petit brasset, juste avant que ce dernier ne rejoigne le cours naturel de la rivière. Cette position permettait en effet une évacuation rapide des eaux souillées par le traitement des peaux. |
Sur la carte postale du début du XXème siècle, on aperçoit au dernier étage d’un bâtiment, les clins des séchoirs, caractéristiques d’anciennes tanneries. Le bâtiment marqué par la flèche a disparu, remplacé par un immeuble sans charme, dans les années 70-80. |
On imagine que l’amont du brasset, alimenté par une eau encore propre (à défaut d’être pure), était plutôt réservé à des activités plus souriantes ; un coin prisé des lavandières sans doute et peut-être même y trouvait-on des abreuvoirs pour les animaux.
Pour revenir à mon raisonnement, je dirais que nos amis tanneurs auraient pu vouloir marquer de leur empreinte le nouveau blason d’une cité au sein de laquelle ils constituaient une force vive et économique essentielle. J’ai contacté l’auteur du texte en question, Madeleine ARNOLD TETARD, pour lui demander l’autorisation de reproduire ici un extrait de son travail et d’utiliser une de ses illustrations : le blason des Leclerc Lesseville. Le document nous explique que les tanneurs de la ville de Meulan s’étaient parfois enrichis à tel point que l’un deux, Nicolas LECLERC, apporta une aide financière significative au bon roi Henri. Voici ce qu’écrit l’historienne à propos de cet homme : |
« Les armes des LECLERC portèrent : « Trois croissants d’or au champ d’azur » que l’on retrouve également en « d’Azur à trois croissants d’or, au lambel d’argent ». (3 croissants pour 3 frères) |
« Il sera marchand Tanneur comme l’était ses aïeux et son père.[…].
Ce Nicolas LECLERC va jouer un rôle quelque peu intéressant pour la ville de MEULAN : en effet, riche bourgeois, il offrira en 1590 une somme de 40.000 Livres tournois au roi Henri IV à court d’argent pour payer ses troupes après la bataille d’Ivry dans l’Eure. Le roi avait entendu parler de la grande richesse des tanneurs de MEULAN et plutôt que de députer l’un de ses aides de camp, il vint lui-même à MEULAN quérir quelques subsides auprès du maître tanneur le plus riche de la ville et sa femme qui le reçut, ne l’ayant pas reconnu, voulut malgré tout bien prêter à ce quidam cette somme sans contrepartie ! C’est dire leur générosité ! En remerciement de ce don providentiel, Nicolas LECLERC se vit récompenser par la couronne par des terres au hameau de LESSEVILLE près d’AINCOURT et se vit nommer SECRETAIRE du roy et dans le même temps fut anobli, lui et tous ses descendants lui permettant en outre, de porter dans ses armes le fameux croissant symbole du métier de tanneur. (Le croissant était une sorte de racloir utilisé pour débarrasser les peaux de leurs impuretés).» |
Voici donc une information fort intéressante. L’auteur suggère en effet une nouvelle proposition de symbolique attachée au croissant. Ce meuble, de par sa forme qui rappelle l’outil du tanneur, aurait donc été utilisé pour symboliser l’art de la tannerie.
C’est la première fois que je trouve la mention de cette association. En cherchant sur le net, il apparait que le couteau de tanneur est effectivement très souvent utilisé comme emblème, ou enseigne de cet artisanat. Il s’agit cependant de formes moins stylisées et plus proches de la représentation réelle de l’outil. L’image ci-contre présente l’enseigne en pierre gravée d’un atelier de tanneur alsacien. |
Si maintenant je reviens au scénario ébauché plus haut et que je mets en perspective ces différentes informations : volonté des tanneurs de marquer de leur empreinte le nouveau blason de la ville d’une part et d’autre part l’utilisation avérée du croissant comme emblème des tanneurs en héraldique, il y a, à mon avis, de quoi échafauder une nouvelle hypothèse plausible quant à l’origine et la signification de notre blason.
Cette explication s’intègre assez bien dans le contexte social et historique de cette fin de XVIème et début de XVIIème siècle. Je ne dispose pas d’éléments concrets et irréfutables pour l’étayer, mais il s’agit bien à mon sens d’une nouvelle piste sérieuse qui vient compléter celles déjà esquissées. Je remercie Madame ARNOLD TETARD qui m’a autorisé à utiliser quelques extraits de son travail et l’illustration figurant le blason . josé navarre |
Références : lien vers le site "HISTOIRE DU MANTOIS"
Illustration : le blason des Leclerc de Lesseville © Madeleine ARNOLD TETARD
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Félicitations José pour cet article très intéressant :-e) :=!
Bravo José :-d)
😛 😎 :-b)
Une nouvelle thèse disons-le assez iconoclaste et même révolutionnaire. Il fallait oser !
Maintenant, quelle est la vérité, entre toutes ces hypothèses :
– la version officielle (Catherine de Médicis),
– la version jna 2006 (La forme des brassets),
– cette dernière version de jna.
Comme personne n’a transversé le temps pour nous le dire, cela restera une affaire de croyance. A moins que la vérité soit encore ailleurs …
attention : le terme de version officielle, n’est pas adapté, parlons de version « courante » éventuellement. Il parait que même dans le dernier livre sur Crécy, édité par la Mairie, des réserves ont été émises concernant cette explication courante … 😉
C’est exact ! Il est écrit à propos du blason dans le livre « Crécy la Chapelle, la Venise briarde » de B. Letissier et M-P. Haudecoeur, que la tradition l’attribue à Catherine de Médicis, mais ce n’est qu’une hypothèse et non la vérité absolue
Grâce à qui ?
A toi et tes excellentes études sur ce sujet, bien sûr ! :=!
José, je vous l’ai dit, il faut absolument que vous vous décarcassiez pour trouver des moyens plus efficaces pour faire connaître vos travaux 😉
Tes articles ne sont sans pas doute pas étrangers à cette prise de distance par rappport à l’hypothèse Catherine de Médécis.
La prise de distance par rapport à cette hypothèse est confirmée.
Alors, nous fouillons, nous explorons, nous cherchons … nous imaginons aussi.
En tout cas , je trouve que cette hypothèse que le qualitifierai « des tanneurs » tient davantage la route que celle des méabdres.
Un article de base a été publié par Théophile LHUILLIER en 1895. Vous trouverez les références sur le site Bibliographie de Meaux.
L’article de Madeleine ARNOLD TETARD, concernant les tanneurs de MEULAN , et les autres métiers associés est très intéressant et nous donne une idée, de cette industrie également florissante dans notre ville de Crécy. Je vous en dirai tan.