L’étrange carte postale
C’est une carte postale extraite de la collection de Jna, et mise en ligne sur le site, qui m’a intrigué et pour laquelle j’ai décidé de faire quelques recherches.
Je vous livre ici ce qu’elle m’a appris… En étudiant cette carte et sa légende, que l’on pensait tout d’abord inspirée de la guerre de 1870, je pense qu’il y a bien eu des combats aux alentours de Crécy-en-Brie en septembre 1914. |
Première énigme, la légende "Combat chasseurs d’afrique et uhlans à Crecy-sur-Morin".
Ce vocable n’est quasiment jamais employé pour désigner Crécy. En effet, cette appellation était surtout un repère pour les états-majors français et anglais, pour éviter les confusions avec les Crécy des autres départements (Crécy-sur-Serre, Crécy-au-Mont, Crécy-en-Ponthieu, …). N’oublions pas que les Régiments de Chasseurs D’Afrique étaient des corps de cavaleries provenant du Maroc et d’Algérie, et n’étaient pas du tout familiers de la région. |
Ces régiments de chasseurs avaient pour mission au début de la guerre d’éclairer les corps d’armées dans leurs marches, d’escorter des convois et surtout de servir d’agents de liaison entre l’armée française et anglaise. Pour les bataillons d’Uhlans, c’était la même chose, mais côté allemand. Les Uhlans (ou Hulans, Oulans) étaient une milice à cheval originaire de Tartarie (Asie Centrale) qui combattait comme les lanciers ou les hussards. La France a elle aussi possédé un corps de Uhlans (créé en 1734), mais ne l’a pas conservé longtemps.
J’ai ensuite cherché à dater l’évènement avec plus de précisions. Revenons donc aux jours immortalisés en dessin, par le combat entre ces deux patrouilles, et certainement un des derniers de l’histoire de la cavalerie. Le 5 septembre, des divisions d’infanteries arrivent en renfort. La 45ème D.I du général Drude, en provenance d’Algérie, comprend des chasseurs d’Afrique, des tirailleurs marocains et des zouaves. Elle débarque triomphalement à Paris le 1er septembre et est intégrée aux combats le 6 septembre 1914. Ils se battent sur la Marne pour protéger la capitale. Au nord de la Marne vers Meaux, se trouvent les français avec la 6e Armée du général Michel Joseph Maunoury et non loin de là, au sud, sous la forêt de Crécy, le British Expeditionary Force (corps expéditionnaire Britannique) du maréchal John French. Le 6 au matin, le 9ème corps d’armée mené par le général Von Kluck était situé à l’ouest de Crécy. Von Kluck donna l’ordre de remonter sur l’Ourcq et le soir les anglais prenaient place. Premier témoignage de cette avancée, extrait du livre "First from the Front war correspondent of The Daily News" par Harold Ashton (London 1914 C.Arthur Pearson Ltd. Henrietta) : At Lagny Thorigny we heard good news and found that the guns of the L Battery had been taken back from the Germans by the Thirty-second Brigade Royal Field Artillery. "Outside Lagny there was more fierce fighting — twenty miles of it — and the Germans were shot down like birds. We got in another hot corner, and managed to get out just in time, after mending the L Battery guns, which had been spiked by our chaps two minutes before the Germans collared them. We had just left our camp and some wagons there, when the German shells fell into it and blew it all to bits. traduction : Autre extrait : "The British cavalry had ridden through the day before on a hot Uhlan chase. They had left a handful of Engineers behind to blow up the bridge. "If we can’t go forward, then we can’t come back," said they, cheerfully enough. "Up with the bridge, boys — good-bye !" They clattered off in a whirl of dust. "Bang!" the bridge was shattered to smithereens, and so were the roof, the chimneys, and windows of the Hotel du Pont de Fer on one side of the river […]. The inhabitants, crowding at a respectable distance on either bank, looked on aghast. Five minutes later came through the order from headquarters : It is not necessary to blow up bridge, enemy well on the run." traduction : Coup dur pour Lagny ! Mais la guerre c’est la guerre, et les ponts ne comptent pas dans ces moments-là. En outre, les nouvelles étaient bonnes. L’ennemi était en fuite, et les ponts, comme les culottes, peuvent être réparés. Il y avait des combats dans la forêt de Crécy, et je partis le lendemain à leur recherche. Cette tactique de guerre a donc ralenti les ennemis allemands qui ne pouvaient plus faire traverser leurs divisions d’artillerie aussi facilement et se regrouper. |
Je me suis alors demandé comment les Créçois vivaient durant ces évènements.
Voici un autre extrait du livre " First from the Front war correspondent of The Daily News " par Harold Ashton, qui nous en donne un aperçu : "September 11. Marching to Crecy. Passing hundreds of bodies lying about like rotten sheep. We are behind the main army now, but can hear the guns going." traduction : "September 12. In the village of Crecy.” Plenty of food and houses to sleep into. Here we have got to stay until further orders. Collick still very bad. But the rum at the publick house very good. I hope it will last our time." traduction : One warm, thirsty afternoon found me wandering aimlessly along the empty, dusty "High Street" of the small village of Crecy-en-Brie. Most of the houses here, as in other villages round about, were shuttered and desolate. The street was littered with rubbish… traduction : Une ville désertée, des habitants qui ont fui sous la pression de l’avancée allemande, et cette longue guerre de tranchées toute proche qui se prépare… Autant d’évènements qui ont sans aucun doute meurtri le pays, et troublé la quiétude de la vie à Crécy. Sources officielles : Sources officieuses : Traduction : Me and Mrs Jones |
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Un grand merci au Docteur Indiana qui nous éclaire sur des aspects méconnus d’un passé créçois pas très éloigné.
Article très intéressant. :b
Je ne savais pas qu’il y avait eu de tels évènements en 14 à Crécy. Du coup pensais plutôt que la carte relatait un combat de 1870.
Je trouve que les témoignages anglais sont émouvants et j’ai un peu de mal à imaginer une telle réalité dans les rues du bourg. Encore que quand je lis : « Par un après-midi chaud et étouffant, je me trouve errant sans but le long de la Grande Rue, vide et poussiéreuse, du petit village de Crécy-en-Brie. La plupart des maisons ici, ont été fermées et désertées…. » on est pas loin de la description d’une journée d’été ordinaire du Crécy de ce début de XXI ème siècle !!!! 😛
Tu oublies la suite : »La rue était jonchée d’ordures… »
Là, c’est plutôt un lendemain de brocante …
L’épisode du pont qui n’a pas sauté me rappelle cet article de RC d’il y a quelques années : Au temps jadis
Septembre 1914, c’est l’époque de la bataille de la Marne. Les combats ont été terribles aux environs de Meaux. Le cimetière militaire de Etrepilly, où des centaines de soldats sont enterrés, en atteste.
A Villeroy, un peu plus à l’ouest, c’est là qu’est tombé Peguy et son régiment le 5 septembre.
La bataille de l’ourcq, cimetière de Etrepilly
Musée Peguy à Villeroy
c’est d’ailleurs un sujet que nous avons traité dans nos propres colonnes en novembre dernier : le journal du poilu Henri Bury