La maison du Directeur, une architecture qui marque aussi l’autorité
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Cet édifice est un des premiers monuments français à avoir été inscrit sur la liste des sites classés au Patrimoine Mondial de l’UNESCO (1982) en tant que témoignage d’une des plus anciennes réalisations industrielles, tout particulièrement aboutie, tant du point de vue de l’outil de travail qu’elle représentait que de sa qualité architecturale.
La saline témoigne également d’une activité économique vitale pour l’homme, la production du sel et en particulier, l’extraction du sel en milieu terrestre. Pour reprendre l’argumentaire de l’UNESCO : "La saline royale d’Arc-et-Senans est le premier ensemble architectural de cette importance et de cette qualité réservé au travail des hommes".
Depuis l’an dernier (2009) la saline voisine de Salins-les-Bains, située à une vingtaine de km de là, lui a été ajointe dans le classement de l’UNESCO, pour former un ensemble encore plus complet et cohérent, sous l’appellation : De la grande saline de Salins-les-Bains à la saline royale d’Arc-et-Senans, la production du sel ignigèn;
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La berne ouest et la maison du Directeur
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Avant de pénétrer dans la saline, je vous propose une petite explication préalable à propos des divers modes de production du sel afin de mieux comprendre l’origine et l’activité de la saline.
Le sel qui a, bien avant la neige, constitué le premier or blanc, fut de tous temps une denrée précieuse et indispensable notamment pour conserver les aliments. Par ailleurs, en instaurant la Gabelle le royaume de France (Philippe de Valois au XIIIème siécle) avait décuplé les enjeux économiques attachés au commerce de la précieuse denrée. La gabelle était un impôt impopulaire, comme tout impôt injuste dans son application. Mais de toute évidence c’était une source de revenus importante pour l’état et pour tous ceux qui d’une façon plus ou moins licite en tiraient des profits, à commencer par les fermiers généraux.
Le taux de la gabelle variait «injustement » d’une province à une autre. Les régions productrices de sel en étaient presque exonérées alors que dans d’autres provinces le taux appliqué était prohibitif : on parlait de provinces de grande gabelle (c’était la cas chez nous en Brie). C’est pourquoi une importante activité de contrebande plus ou moins organisée s’était développé à travers le royaume. Celle-ci allait du « simple » marché noir (achat du sel dans une région peu ou pas taxée suivi de sa revente, sous le manteau, dans une région fortement taxée) jusqu’à du banditisme consistant, pour des hordes armées de routiers ou autres mauvais garçons, à voler la précieuse marchandise sans hésiter à attaquer des convois ou des sites de production, d’une façon très violente au besoin. Du coup, les salines devaient être protégées et la saline de Salins, en fonction depuis le moyen âge, revêtait à en croire les gravures, un air de place forte.
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ce motif est présent partout sur le site : une source d’eau salée |
Maison du Directeur et ses colonnes doriques « à bossages » |
Quand lomig nous a brièvement présenté la saline d’Arc et Senans dans son article, j’avais été un peu surpris de la présence d’une saline en pleine Franche-Comté, la production du sel dans mon esprit est plutôt associée à l’image du marais salants. Oui, mais des marais salants dans le Jura …
Quel défaut de culture. C’est bien sûr oublier la présence dans le sous sol des bassins sédimentaires de grandes quantités de sel, laissées par la mer du temps où celle-ci occupait la place. Il y a donc du sel un peu partout à des profondeurs très variables. C’est le sel gemme. Dans la région qui nous intéresse le sel se trouve proche de la surface. Ce sel peut être extrait pour donner du vrai chlorure de sodium, tout à fait consommable, même s’il n’est pas « iodé ».
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Les mines de sel en Silésie, cela évoque en nous des souvenirs avec des relents de guerre froide. Une des mines de sel des plus célèbres est la mine de Wieliczka située à quelques km de Cracovie en Pologne. Voila encore un site inscrit au patrimoine de l’Unesco qui mérite le détour, si vous passez dans la région et tout particulièrement si vous êtes intéressé par un Jean Paul II en sel gemme, pour le coup bien conservé.
<- JP II sculpté dans un pain de sel (jna 2006)
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En Franche-comté, le sel n’est pas extrait par des mineurs armés de pioches. La présence de grandes quantités d’eau dans le sous sol fait qu’il est possible de capter assez facilement d’importants volumes d’eau salée. Il suffit de creuser des puits et de pomper. L’eau salée – une saumure plus ou moins concentrée – ainsi puisée dans le sous sol, va restituer le sel dissout une fois l’eau évaporée. Toutefois, les sauniers ne laissaient pas l’eau s’évaporer « naturellement » en surface. L’évaporation était favorisée et forcée par chauffage de l’eau salée. Cette opération nécessitait de verser la saumure dans d’énormes récipients (appelés des poêles), eux-mêmes placés juste au dessus de « foyers » alimentés au bois. Une fois l’eau évaporée et après divers traitements d’épuration et de conditionnement, le sel était prêt pour être consommé et pour générer de la gabelle sonnante et trébuchante ! Voila schématisé, le principe de l’exploitation du sel dans les deux salines de Salins et d’Arc et Senans.
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Un demi cercle parfait : photo Wikipedia
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L’origine de la construction d’Arc et Senans
En cette moitié du XVIIème siècle, soucieuse d’augmenter sa production de sel, la Ferme générale de la province de Franche-Comté décida de créer une nouvelle unité de production à Salins ou dans ses environs. L’ancienne Saline située au-dessus des puits d e production était vraisemblablement un peu vétuste et surtout, les forêts des alentours, surexploitées pendant des siècles, n’arrivaient plus à fournir le combustible nécessaire au chauffage de grandes quantités de saumure. Après une étude moderne et rigoureuse, il fut décidé de construire la nouvelle unité de production, à proximité d’une grande forêt, capable de fournir le combustible nécessaire et de limiter ainsi son transport, principal obstacle technique et économique dans le processus de production. Ce site fût trouvé à Arc et Senans, situé à l’orée de la forêt de Chaux. Cela dit, si déplacer l’usine à proximité de la forêt semblait raisonnable, il restait en contre partie à transporter la saumure, depuis son lieu d’extraction à Salins vers la nouvelle usine. La solution retenue fut de construire un saumuroduc depuis Salins jusqu’au site d’ Arc-et -Senans, soit sur une distance de plus de 20 km. L’eau salée s’écoulerait dans des canalisations enterrées faites de troncs de sapins évidés, depuis Salins en amont jusqu’à Arc-et-Senans situé en aval. Compte tenu du dénivelé, la gravité rendait possible l’opération. C’est donc ce qui fut fait et ce rendit possible la création de Saline Royale à Arc-et-Senans. La Ferme Générale fit bien les choses. Le projet technique fut étudié comme le feraient aujourd’hui des bureaux d’études et le design de la fabrique fit l’objet d’un concours d’architecture. C’est à Claude Nicolas Ledoux que fut confié le soin de dresser les plans de l’usine.
C’est le début d’un mythe, celui de la cité idéale de Ledoux. L’architecte conçut non seulement les plans de l’usine mais il espérait édifier tout au tour, une ville qui acceuillerait les ouvriers et leurs familles au sein d’une cité dite « idéale » (au sens de Ledoux s’entend).
Le projet était ambitieux et au final, seul l’élément essentiel du dispositif fut construit : la saline.
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le pavillon des commis |
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l’organisation circulaire de l’usine apparait clairement sur cette vue |
C’est déjà bien. Les photos qui illustrent l’article en disent long sur le soin qui fut apporté à la conception et la réalisation de cet établissement industriel qui n’a pas grand chose à envier à certains châteaux. Ledoux a conçu un ensemble de bâtiments fonctionnels et adaptés à l’objet premier du lieu : la production de sel et l’accueil de nombreux corps de métier ainsi que d’une petite garnison pour en assurer la défense. L’usine est construite selon un plan semi circulaire et entourée d’un mur d’enceinte destiné à la protéger et l’isoler de reste du monde, pour des questions de sécurité (il n’y a qu’une porte par laquelle tout ce qui entre et sort pout être contrôlé). Au centre du demi cercle, la maison du directeur constitue un point névralgique et stratégique. De là, le Directeur disposait d’une vue d’ensemble de la manufacture. Elle accueille les logements de fonction des responsables, leurs bureaux. C’est aussi un lieu de réunion et plus surprenant, le lieu de culte. Sa façade monumentale est caractéristique de l’oeuvre de Ledoux, à travers la forme particulière de piliers, inspirés de l’antiquité, mais composés par la superposition originale de carrés et de cylindres (colonnes doriques dites « à bossages »)
Le guide nous apprend que l’usine n’a jamais tenu ses objectifs initiaux de production. De plus, la révolution française modifia la donne économique en supprimant la gabelle, diminuant du même coup la rentabilité d’un procédé de fabrication plus onéreux que les marais salants. Quant à la cité idéale, … il semble que les conditions de vie et de travail à la saline n’étaient pas des plus enviables, sans doute pas de la faute à Nicolas Ledoux, mais de celle de ses exploitants. Comme de nombreux monuments, le site a bien failli être détruit à plusieurs reprises. Au moment de son classement à l’inventaire des monuments historiques, au début du siècle dernier, la société des salines qui en était propriétaire, voyant la chose d’un mauvais œil, fit dynamiter la façade de la maison du Directeur. Les fières colonnes de Ledoux gisaient au sol démantelées ! Le département du Doubs a sauvé le site en faisant l’acquisition dans les années trente. Les vestiges de la saline servirent un temps de caserne provisoire dans les années 40, puis de camp d’internement pour des tsiganes et autres roms. Différentes phases de restauration et reconstruction furent nécessaires tout au long du vingtième siècle pour donner au monument, l’allure majestueuse qu’on lui connait aujourd’hui.
L’intérieur des bâtiments n’offre pas grand chose à voir. Il n’existe pratiquement plus de trace du dispositif de production. Des expositions temporaires et quelques éléments d’information sur l’exploitation du sel occupent la maison du Directeur. Les deux ailes situées de part et d’autres de la maison du Directeur (les bordiers qui acceuillaient les fameuses poeles à saumure) offrent aujourd’hui de vastes volumes couronnés de charpentes impressionnantes. Aujourd’hui, ils servent à l’occasion de salle de spectacle ou de réception. La saline est devenu un centre culturel et de ce fait certains bâtiments ont retrouvé leur vocation d’origine, celle de loger et nourrir des «gens », hier le personnel de l’usine, aujourd’hui des visiteurs participant à des colloques ou autres manifestations.
La visite de la saline mère de Salins (je regrette de pas avoir eu le temps de le faire) vous permettra d’apprendre beaucoup plus de choses sur l’exploitation du sel.
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Extérieur de la saline : la seule porte de la saline |
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Maison du Directeur, vue de 3/4 |
Ledoux, en Brie
Lomig nous l’avait suggéré dans son article, l’histoire de l’architecte Claude Nicolas Ledoux passe aussi par la Brie. Il fut en effet le concepteur du château de Mauperthuis qui a malheureusement disparu. Le château de Mauperthuis était une oeuvre de jeunesse.
Le succès de la Saline Royale permit à Ledoux de travailler régulièrement pour la Ferme Générale. Ledoux ne tarissait pas de projets comme on peut s’en apercevoir en flânant dans le musée consacré à l’architecte et à son oeuvre. Ce musée est installé dans un des pavillons de la Saline. Il présente un très grand nombre de maquettes, projets aboutis ou non, dont celle du château de Mauperthuis (voir la photo ci-contre).
A l’approche de la révolution, la Ferme Générale de Paris entrepris la construction d’une enceinte autour de la capitale (à hauteur des grands boulevards) pour mieux contrôler les entrées de marchandises dans la capitale. Cette enceinte qui n’avait pas de vocation défensive à proprement parler, était percées de portes ou barrières, abritant un octroi. Ledoux fut sollicité pour imaginer et dessiner les bâtiments qui devaient servir de « barrières », les locaux des douanes. Quelques uns sont encore en place mais on a oublié leur vocation d’origine. C’est le cas de la rotonde du parc Montceaux. Les colonnes de la place de la nation qui « encadrent » l’avenue de Vincennes et les batiments qui occupent la place Denfert-Rochereau (à coté de l’entrée des catacombes) font également partie de ceux qui nous sont parvenus.
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Maquette du chateau de Mauperthuis
La rotonde du Parc Montceau : une ancienne barrière de l’octroi
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Comme les trois mousquetaires, ils sont 4 jna sur cette photo honteusement truquée. Sauriez vous indiquer la position du seul jna de la photo originale ?
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JNA
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Si après avoir visité la Saline, vous souhaitez rester en Franche Comté, vous aurez de quoi vous occuper quelques jours à commencer par Salins les Bains. Outre sa saline, cette paisible station thermale possède le charme désuet caractéristiques des villes d’eaux ou l’on croise une foule de retraités partageant leur temps entre le centre de cure et les machines à sous du casino.
En continuant vers l’est en direction de la Suisse, vous traverserez le pays de Rainette.
Les quelques photos qui suivent évoquent des lieux qui nous sont déjà familiers à nous autres Brionautes.
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LEVIER, au pays de Rainette
Petite bourgade paisible que je n’ai fait que traverser. Deux points ont attiré mon attention : ses industries du bois (scieries) et son musée du cheval de trait.
Je n’ai pas visité le musée, mais j’ai vu des chevaux de trait. Celui de la photo, m’a tenu compagnie pendant que je photographais le panneau indicateur du dessus, comme preuve de mon passage à LEVIER. Bel effet. Effet de levier !!!
C’est sûr, ils sont splendides ces chevaux avec leurs carrures de débardeurs, pas étonnant qu’aujourd’hui encore, ils remplacent les engins mécanisés pour sortir les grumes de la forêt quand la pente est trop forte (et dans le Jura, il y en a des pentes).
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La source du Lison
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La source du Lison
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La source de la Loue
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Les sources de ces rivières sont des resurgences de cours d’eau souterrains qui débouchent à l’air libre sous forme de cascades. L’homme avait occupé ces endroits depuis longtemps pour exploiter leur force hydromotrice : moulins divers, bancs de sciages, .. les sources à la fin du XIXème siècle, étaient en fait des sites animés, bâtis, industriels.
Aujourd’hui, ces anciennes installations ont été rasées, il n’en reste que quelques vestiges. La source de la Loue alimente encore une petite unité de production d’électricité et un barrage situé quelques centaines de mètre est à l’origine d’une retenue belle retenue d’eau alimentant d’autres turbines situées bien plus en aval encore.
Mais dans l’ensemble, la nature a repris ses droits et ce sont des lieux de balades bien agréables.
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Crédit photos : photos de José Navarre , sauf la photo aérienne et la rotonde du Parc Montceau (anonyme)
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Bravo José pour ce superbe article :-e) :#
Ma réponse à la devinette : Comment peut-on discerner l’original quand toutes les photos sont identiques.
celle de gauche?
ce site fait partie de ceux qu’on doit visiter cette année..peux tu nous indiquer un hébergement?
Non, malheureusement car ce déplacement était improvisé. Souvent nous prévoyons une chambre d’hôte sympa dans ces cas là, mais là nous n’avions rien réservé. Nous sommes allés sur Besançon pour y passer la nuit.
Il nous a fallu ce jour là deux heures pour trouver la dernière (ou presque) chambre de la ville dans un hotel en périphérie que ne recommanderais pas particulièrement. La faute en partie à un congrès bio médical qui monopolisait l’hotellerie locale.
Par la suite, nous avons rencontré de grandes difficultés pour trouver un restau dans le centre ville. Il n’y a que des boutiques dans le quatrier historique. Nous avons fini par trouver quelque chose qui avait l’air sympa (recommandé par un autre restau qui était complet), dans le genre c’est la patronne qui est aux commandes, d’une cuisine rustique, quelques tables, pas de carte mais des ardoises aux murs, la patronne était du genre mamie babacool que tout le monde appelle Peggy dans le quartier. Bref, nous avons eu un plat terroir sympa parmi les quelques uns encore disponibles au milieu de la carte avec un petit vin du Jura … couleur paille.
En revanche, comme il y avait du monde ce soir là (une bonne douzaine de couverts) à 22H00 au moment de choisir le dessert (ça avait été un peu long avant) la patronne qui était toute seule pour cuisiner et pour servir, nous annonce qu’elle n’a pas encore eu le temps de préparer ses desserts : tarte tatin ou fondants au chocolats maison. Bref, il allait falloir attendre un peu longtemps. 10 minutes plus tard, elle vient nous annoncer qu’elle devrait nous priver de dessert car elle n’avait plus assez d’ingrédients : pas possible de faire plus d’une tarte pour 8 et manque de chance il y avait une table de 7 avant nous. Du coup, nous avons payé et sommes repartis dans notre hotel périphérique ou il a fallu réclamer un peu de chauffage à la tenacière qui venait tout juste de quitter le Sentier … à mon avis.
Je n’ai pas parlé de Besançon dans mon topo. Le centre ville est joli, et il existe une citadelle Vauban, classée elle aussi au patrimoine de l’Unesco. Bon, ça vaudrait le coup de s’y attarder un peu, la prochaine fois.
As tu rencontré les Ténardiers??? 😉
Ah ben c’est sûr Besançon est riche en histoire….. Pour les chambres d’hôtes, il y en a quelques unes aux alentours de Levier. Dole une très belle ville à ne pas manquer !! facile sortie d’autoroute, et là à quelques kilomètre à Sampan chambres d’hôtes magnifiques.
http://champsdubois.ifrance.com/
Un article qui restera dans les annales du site.
Un grand reportage touristique qui fera référence sur le net, nous n’en doutons pas. Bravo jna !
Pour ce qui de la petit énigme, le détourage étant bien fait, même en agrandissant au maximum, on a du mal à trouver un bout de décor qui aurait suivi le personnage découpé.
Néanmoins, on voit que les 2 jna du milieu ont moins de torse. Ils ne peuvent donc pas avoir pu servir de référence (à moins d’un recadrage final, ce qui est possible d’imanginer). Et c’est vrai qu’en regardant dans le détail, la découpe du personnage de gauche semble parfait. Je parirais donc pour le jna le plus à gauche.
Fine lame !
La solution, en cliquant sur la photo.
Je suppose que « crédit photos » veut dire qu’on peut utiliser vos photos gracieusement à condition de vous en demander l’autorisation. Notez que je n’ai pas l’intention de le faire. C’est simplement pour m’instruire. Merci José.
Vous voyez………. c’est pas si lon !!!! C’est avec plaisir que l’on vous aurait offert un verre de Jura 😀
Je suis en visiteur, j’ai perdu mon mot de pass 😕