De l’origine du nom de Crécy – 1. les mérovingiens
Il aurait eu les cheveux frisés. Une drôle de tignasse, pour marquer de la sorte, la mémoire de ses contemporains et de ses successeurs. Il ne pouvait en être autrement. Sinon, comment expliquer que le nom de son domaine, de sa propriété soit encore connu de nos jours comme celui du frisé, c’est-à-dire Crécy. A quelle époque, a vécu le frisé ?
C’est une histoire bien ancienne. Le frisé était probablement un gallo-romain, peut-être un mérovingien. Nous ne saurons jamais qui il était, ni même s’il a vraiment existé. Je vous propose aujourd’hui un nouveau voyage dans les couloirs du temps à la recherche de l’origine du nom de Crécy. Cette question est en effet loin d’être tranchée. Les érudits locaux n’ont pas apporté de réponse satisfaisante et on ne peut pas leur en vouloir car nous manquons d’informations et de traces historiques.
Il convient tout d’abord d’avoir à l’esprit que le Crécy dont il s’agit, correspond à l’actuel hameau de Saint-Martin situé sur la commune de Voulangis, implanté au cœur d’une boucle bien marquée, du Grand Morin. C’est en effet, le site du Crécy originel, celui qui le premier fût nommé ainsi. |
J’ai mené quelques recherches à travers la littérature locale et l’immensité du net, afin d’explorer les pistes pouvant nous conduire à la solution de l’enigme. Cet article est la synthèse de quelques travaux sans prétention.
Une fausse piste, la chronique de Frégedaire Qu’est-ce donc que la chronique de Frégédaire ? Il s’agit d’un ouvrage ancien qui au même titre que la chronique de Grégoire de Tours, constitue un témoignage essentiel sur la France des Mérovingiens. Frégédaire n’a pas existé, c’est un nom d’auteur inventé au XVIème siècle. Quoiqu’il en soit, le contenu du manuscrit a bien été rédigé par plusieurs auteurs, contemporains de l’époque mérovingienne, un initiateur et des continuateurs. |
Sacramentarium Gelasianum, manuscrit mérovingien peut-être réalisé au couvent de Chelles vers 700
srce :http://paris.blog.lemonde.fr/paris/2006/08/les_peintres_et.html |
Traduction de la chronique écrite en latin
"Ebroin, informé de ces dissensions, et ayant appris que les Francs étaient en grande discorde, rassembla ses amis et autant de gens qu’il put, et, étant sorti du monastère de Luxeuil, il rentra en France accompagné d’une nombreuse suite de guerriers; il s’avança jusqu’au fleuve de l’Oise et tua à pont Sainte-Maxence les gardes endormis. Ayant traversé l’Oise il fit périr nous ceux de ses ennemis qu’il put trouver. Leudésius maire du palais, prit la fuite avec les trésors du roi, s’échappa ensuite seul au château de Baisiu. (Ndlr BAJUS commune du Pas de Calais, Anciennement "Baisiu") Ebroin y étant arrivé s’empara des trésors. Étant ensuite allé de Crécy-en-Ponthieu, il promit artificieusement fidélité à Leudésius qu’il trompa, l’engageant à se rendre à un plaid où ils se mettraient d’accord et feraient la paix. Mais Ebroin, agissant avec fraude, comme c’était sa coutume, tendit des embûches à Leudésius, le tua, et ayant rétabli le roi Théodoric, il rentra lui-même très adroitement dans son pouvoir. Ayant faut infliger à l’évêque saint Léger de cruels supplices, il le fit périr par le glaive ; il fit aussi mourir, après divers tourments, Guérin son frère." Les chroniques de Grégoire de Tours et de Frégédaire sont disponibles en texte intégral sur le site "de Philppe Remacle : Ce site est d’une grande richesse, il contient les traductions d’un nombre considérable de textes ayant trait à l’antiquité grecque et latine. |
Mais pour autant, un traducteur ne fait pas le printemps, pourrait-il se tromper ?
Tout d’abord, il n’est pas le seul à penser ainsi, il ne s’agit pas d’un auteur isolé. Plus proche de nous, Jean Mesqui dans son essai intitulé «les enceintes de Crécy-en-Brie *» remettait lui aussi en cause la piste briarde, notamment parce que les traces de sites mérovingiens sont discrètes à Crécy-en-Brie; alors quelles sont nombreuses et impressionnantes par leur taille à Crécy-en-Ponthieu, comme le montre les photos présentées sur le site sur le site "Mistral/Mémoire" du Ministère de la culture. La vérité est donc rétablie et j’engage nos érudits à la prendre désormais en compte. Les Brionautes devraient eux-mêmes en tenir compte, car le site abrite un texte, diffusé lors de la dernière inauguration de la collégiale, qui lui aussi véhicule la même erreur historique. Je serai donc le premier à l’écrire, allant ainsi à contre courant des croyances locales, le nom de Crécy (en Brie) n’a pas été cité pour la première fois au VII ème siècle dans la chronique de Frégédaire. |
France ; Picardie ; Somme ; Crécy-en-Ponthieu
Emplacement présumé d’une villa royale. C’est ici qu’en 675, Ebroin, après s’être emparé du trésor royal à Baizieux (Ndlr Baisiu est remplacé par Baizieux ici, commune de la Somme), poursuivit Leudesius et le tua après lui avoir tendu un piège. Crécy fut aux périodes mérovingienne et carolingienne le chef-lieu d’un vaste domaine foncier comprenant la forêt de Crécy. Au VIIe s., elle s’appelait "Sylva Chrisciacensi" ou "Sylva Crisciacensi"et relevait du fisc de Crécy. On y aurait découvert de nombreuses monnaies mérovingiennes. www.culture.gouv.fr/public/mistral/memoire_fr |
Nous voici donc orphelins de Frégédaire. Du coup, nous nous retrouvons sans nom « avéré »avant l’an mil. Il nous faut faire un bond dans le temps pour trouver la première référence écrite à une forme ancienne du nom « Crécy ». La première référence n’est plus du VIIème siècle, elle remonterait « seulement » à la fin du XI ème siècle. Toutes les sources consultées vont dans le même sens sur ce point. Pour autant, cela ne veut pas dire que le Crécy d’alors (de l’époque mérovingienne) ne s’appelait pas Cricecus ou quelque chose s’en rapprochant.
Il nous reste néanmoins une autre forme de trace écrite, datée de l’époque Mérovingienne. Sabine Gervais et René Blaise dans leur livre font état de pièces de monnaie mérovingiennes qui auraient été frappées à Crécy avec la mention « Credeciaco vico » (ou « Credeciaco vico » selon d’autres sources). Cette expression serait à interpréter comme le « domaine de Credeciaco ». |
Crideciaco vico René Blaise évoque ces pièces en s’appuyant sur une information trouvée dans le Manuel de numismatique française (A Blanchet et Dieudonné). De ce fait, on peut comprendre du texte de René Blaise, qu’il n’a pas vu, de ses yeux, les pièces en question. Compte tenu des interprétations un peu hâtives qui ont déjà été opérées dans le passé à propos de certains évènements créçois, j’en suis à me demander, si ces pièces (nous admettons qu’elles existent) ont bien été trouvées sur le territoire de Crécy-en-Brie et non pas sur le celui d’un autre Crécy. Si un de nos lecteurs possède de l’information à propos de ces pièces (qui les détient ?, où sont-elles visibles ?), nous l’invitons à se manifester pour nous éclairer, car nous aimerions bien aussi les admirer. Nos historiens locaux imaginaient une évolution probable depuis le Criscecus de la chronique vers le terme « Crideciaco » ou peut-être l’inverse, les deux appellations étant contemporaines de l’époque mérovingienne. Cette hypothèse n’est pas à écarter définitivement, mais elle est mise à mal depuis que nous savons que le Cricecus de Frégedaire ne concerne pas Crécy-en-Brie. Il n’a pas été facile de trouver de l’information sur «Credeciaco». Qu’était-il, ou qui était-il ? Miracle du net, c’est sur un site italien, consacré à la langue celtique, que j’ai déniché quelques bribes d’informations, retranscrites ci-après. Le texte évoque un crideciaco vico. S’agit-il du notre ? il n’est pas possible de conclure car s’il est bien indiqué qu’il s’agit d’un nom de ville, celle-ci est dite "non localisée".
Et nous voici peut-être avec un nouvel élément, un homme nommé Kridekius ou un vocable qui désignerait un domaine « situé au centre » ou « au cœur ». Mais alors, au centre de quoi ? De la boucle de la rivière ? D’un autre territoire ? … Nous interrompons pour aujourd’hui notre balade dans le temps, à la fin de l’époque mérovingienne, il y a 1300 ans environ. |
FIN DE LA PREMIERE PARTIE : La suite dans quelques jours
jna
* les enceintes de Crécy-en-Brie et la Fortification dans l’ouest du comté de Champagne et de Brie au XIII ème siècle – Jean MESQUI 1989
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Tu as pris tout ça dans Voici???? 😉
mais alors JMS faux voulangeois??????? :#
Gros travail d’érudition ! bravo jna ! :=!
Et une thèse qui bouscule les idées reçues. Des manuels et autres fascicules touristiques vont devoir être ré-écrits.
La démonstration est claire, maintenant cela ne nous donne pas encore la solution. jna a l’art de ménager le suspense. On attend la suite avec impatience …
une solution : il ne faut pas trop rêver, nous explorons des pistes pour satisfaire notre curiosité cher ami !
Très intéressant José :=!
Je reste glacé , devant les crimes relatés dans la chronique de Frigidère, et finalement je suis bien content que l’histoire de notre petite n’ai rien à voir avec ces turpitudes !