Rencontre un soir de noël …
Une veille de noël, un brionaute désoeuvré se promenait rue de la Halle à Crécy quand soudain surgit du brasset un petit lutin.
– "Arrête ton chemin, brionaute émérite, consacre un instant à m’écouter" lui dit-il en l’appelant par son pseudo. – "Comment ?", dis l’autre, " tu me connais ? les lutins sont donc abonnés à internet ?" – "Bien sûr, on lit vos articles avec intérêt ! même les farfadets vous lisent et parfois répondent par des commentaires pas toujours très gentils, il faut l’avouer". – "Ah ce sont eux ! Mais alors, que me veux-tu lutin ? est-ce pour bloguer que tu interrompts ma noble promenade ?" – "J’ai un message de la part du monde magique de Crécy, suis-moi au pays des ombres et des légendes …" |
Le lutin entraina notre valeureux brionaute dans un tunnel minuscule caché dans le mur d’un lavoir. Parcourant un dédale de couloirs nos deux compagnons arrivèrent dans une salle ronde.
– Nous sommes sous la tour Falo. Ce chemin mène à la porte de Meaux et celui-là à la tour du pont-court, annonça le lutin – Décidement c’est un vrai gruyère ! s’exclama notre brionaute étonné – Tu ne crois pas si bien dire; ce tunnel mène au Vieux-Crécy (1), de là on peut même rejoindre Vignoly (2) en passant près du moulin. Les farfadets connaissent bien ce chemin; ils ont dans l’idée de s’arrêter une fois afin de chatouiller les pieds de votre trésorière. – Je vais la prévenir afin qu’elle se méfie; mais tu ne m’as pas amené ici pour visiter les souterrains. – En effet, mon maitre, le sire Chatillon désire te parler, entrons dans cette salle. |
Ce que découvrit alors notre brionaute dépassa tout ce qu’il avait pu voir sur internet et ailleurs. Des dizaines de fantômes peuplaient une immense salle.
Il découvrit des chevaliers en armures, de belles dames en costumes, des messieurs en redingote, des moines en burre. Il reconnut Dame Gile occupée à son fusain. Isabelle de Crécy discutait avec un moine ; son mari le terrible Guy le Rouge battait le fer avec Gaucher III à peine remis de la bataille de Bouvines. Plus loin Catherine de Médicis cueillait ses melons alors que le duc de Penthièvre s’affairait sur un colis destiné aux restos du coeur. (3) Plus loin un atelier de peinture rassemblait Corot, Dunoyer de Degonzac, Toulouse-Lautrec, Servin, Cinot et quelques autres. Steichen immortalisait la scène en les mitraillant avec son appareil photo … numérique ! Jules Grenier amusait la compagnie en racontant des légendes du passé … Lhuillier et Husson écoutaient et prenaient des notes. Sur une table de cuisine, Arsène Gallinace cassait des oeufs. |
– Ah voila notre brionaute, s’exclaffa messire Gaucher III de chatillon, je vous ai fait quérrir pour que vous soyez notre porte-parole ! Je n’ai pas fait creuser les brassets de Crécy pour que le destin de cette ville pérriclite au fil des siècles. Vous devez user de vos moyens modernes, comment-appelez-vous cela déjà, internet ?
– Oui c’est cela messire, internet ! – Ne m’interrompez-pas ! Je disais donc que vous vous devez de faire connaitre et apprécier notre noble cité jusque dans le royaume de France et ailleurs. – Le chevalier Google s’en charge ! |
– Je n’ai jamais battu le fer avec celui-là ! Vous devez servir votre passé et les illustres ancêtres qui hantent encore cette ville. Les nouvelles de la cité, vous relairez, bonnes ou mauvaises, mais jamais de médisances sinon les fantômes viendront vous chatouiller les pieds.
Cette cité a non seulement un illustre passé que vous devez faire connaître mais un brillant avenir. Nous entretenons depuis des siècles un art de vivre que beaucoup d’autres provinces nous envient. Nous, les fantômes, nous agissons dans l’ombre pour éviter l’urbanisation à outrance et les projets maudits mais les temps sont durs, quand vous pensez que sur le front Ouest on doit se battre contre une souris ! Vous les brionautes, vous donnerez la parole à ceux qui ne l’ont pas, que chacun, noble seigneur ou simple manant, puisse donner son avis, annoncer les tournois et les mangeailles, les festoiements et les duels. Donnez la parole aux compagnies … – Cela s’appelle des associations maintenant, messire. – Soit ! Ah il parait que des Celtes joueurs de biniou ont envahi les remparts de la ville et ont installé leurs quartiers près du suppositoire comme l’appelle ce cher André (4). Ils ont fait tellement de bruit lors du téléthon que des vieux fantômes de Morins se sont réveillés (5). Alors il faudra composer avec ces celtes. |
– Oui, messire mais ne pouvez-vous pas intercéder auprès des farfadets pour qu’ils arrêtent d’ennuyer la fée Korie et ses marchands ?
– Les farfadets sont libres ! nous, les nobles seigneurs, n’avons pas plus d’influence que le bourgmestre sur ces êtres. Par contre s’ils dépassent les règles de la bienséance nous les empalerons ! – Soit messire, nous nous efforcerons d’agir selon vos voeux. – Nous veillerons, mes amis et moi-même, à ce que vous respectiez votre charte. Lutin, raccompagnez ce brionaute ! Quand le brionaute se reveilla, il était assis sur le sol du lavoir, le brasset imperturbable coulait à ses pieds; point de lutin ! avait-il rêvé, une odeur de melons lui revint, mais non ! pas un 24 décembre ! et si tout cela était vrai ? |
Notes historiques :
(1) : Le vieux-crécy était Saint-Martin-lès-Voulangis (2) : Vignoly était l’ancien nom du village de la Chapelle. (3) : détails historiques reconnus, autant pour les melons de Catherine de Médicis que le côté charitable du Duc de Penthièvre qui préparait lui-même la nourriture des pauvres. (4) : André Dunoyer de Ségonzac appelait le beffroi de Crécy "le suppositoire" (5) : Les Morins étaient un peuple Gaulois du Nord de la France (Boulogne) qui émigrèrent en Brie et, selon la légende, donnèrent leur nom aux 2 rivières bien connues. |
(article vu 17 fois)
Quel talent ce troubadour, celà nous change bien mes bons seigneurs du patois de notre cher nain « formatik ».
Notre noble brionaute n’aurait pas des origines Celtes ?Cependant chapeau bas messire :-e)
Celtes ! certes non, sauf à considérer que tous les peuples gaulois étaient celtes ce qui n’est pas faux; disons tendance Nitiobroges mais n’oublions pas l’influence des romains et autres envahisseurs.
jms de la geste ! poète courtois, trouvère de Saint Martin ! :-e)
Vous remarquerez que le brionaute acteur involontaire de cette histoire n’est pas nommé. Que chacun puisse s’y reconnaître ! :-a)
:-d) formidable conte de Noëly mériterait, y mériterait d’être dans le journal !Ok ?
Que d’éloges ! dans un bon journal, pourquoi pas, si cela peut faire du bien à Crécy et aux brionautes …
C’est vrai. Joli conte de Noël. :-e)