Le brionaute et le lutin

Vous vous souvenez de ce brionaute qui, la veille de noël 2005, rencontra un lutin qui le conduisit parmi le monde magique de Crécy. (Rencontre un soir de noël) . Il y fit la connaissance du fantome de Gaucher III de Chatillon, fondateur des enceintes et des brassets de Crécy.
Cette année, à la date anniversaire de l’événement, notre homme, par superstition ou par crainte, avait fui la ville pour éviter à nouveau une telle aventure.
Ironie du destin, alors qu’il déambulait dans le village de Voulangis à la poursuite d’une ombre noire, c’est rue du Luttin qu’il revit son ami le lutin …
En se penchant au-dessus de l’un de ces inombrables puits qui embellisent ce noble village, il aperçut le lutin qui lui faisait signe de descendre.
"- Viens brionaute, tu as rendez-vous avec Messire de Chantillon
– je saute dans le puits ! décidemment le pays créçois est parsemé de souterrains."

Le gentil lutin conduisit ce brionaute un peu apeuré par un dédale de galeries jusqu’à la grande salle qu’il avait connue l’an dernier.
Là, Gaucher III de Chatillon l’attendait de pied ferme.
– Alors brionaute, lança Messire mécontent, on cherche à me fuir en allant trainer dans les faubourgs de Volangi parmi les gueux et les farfadets.
– Point du tout, Monseigneur, vous vous méprenez, Voulangis est le nouveau lieu à la mode. Le festival Voul’Stock que nous avons grandement relayé sur notre site en a fait un village mondialement connu.
– Certes ! mais vous nous cassez un peu les pieds avec vos histoires de barreau routier et d’urbanisation. Moi qui ai construit la bastide de Villeneuve-le-Comte en 1203, il eut fallut me consulter, je suis spécialiste en villes nouvelles pour les contruire et accessoirement pour les démolir après un petit siège.

– A propos de Villeneuve-le-Comte, Messire sait-il qu’un projet gigantesque de village-nature va bientôt voir le jour ?
– qu’est-ce ? des trolls, des elfes ou des vikings venus du nord ? des êtres qui vivent dans les arbres ?
– peut-être tout cela à la fois ! des vacanciers en fait.
– Je connais pas ce peuple. Ah si, je vois, tous ces gens qui voyagent et s’entassent tous sur les mêmes chemins à la même époque pour aller vers la même plage ou le même lieu à la mode. Quoique de mon temps on allait bien à une bataille ou en croisade tous en troupeaux aussi. Vos contemporains adorent faire la queue et se serrer comme des sardines. C’est comme ce jna qui nous parle de cette charrette qui le mène à Paris, il ferait mieux d’y aller à dos d’ane. On m’a dit que la ferme de l’ancien prieuré de Saint-Martin avait remplacé ses moines par des ânes.
– ne dites pas de mal de jna, il a démoli la thèse officielle du blason de Crécy.
– la belle affaire ! on le savait depuis longtemps ici. La grande Cathy qui aurait donné les 3 C à la ville de Crécy, tu parles qu’elle avait mieux à faire avec son jardinier.
– c’est ce que dit aussi le bourgmestre.
– que voila un homme sage ! que devient-il ?
– vous savez, il a fort à faire avec ses pairs et maires ; toutes ces lois à discuter
– et oui, et l’an prochain il y a des votations
– ah ! ne m’en parlez pas !
– justement, n’en parlez-pas !

– Et chez les fantômes, ça va comme vous voulez ? osa le brionaute
– on a accueilli un petit nouveau qui se morfondait dans sa tour, le poète Pigoreau. Il est triste car ses vers n’ont pas beaucoup d’admirateurs. Par contre il est fier d’avoir une descendante brionaute !
A l’inverse, le groupe des peintres est victime de son succès. Ils sont furieux avec leurs descendants.
– mais pourquoi ? ils devraient se réjouir au contraire.
– figurez-vous que ces gens veulent faire payer très cher de simples reproductions des toiles peintes par leur ancêtres. Le sentier des peintres où seront montrées ces reproductions va prendre du retard, nos fantomes de peintres ont hate d’aller se promener sur ce chemin bucolique où ils ont oeuvré jadis. Ils ont dans l’idée d’aller chatouiller les pieds de leurs descendants pour les raisonner.

– Brionaute, avez-vous relaté cette année tous les événements créçois ?
– surement messire, en avril la brocante, en juin la saint-jean, en juillet le 14 juillet, en septembre le forum des associations et la foire saint-michel, en décembre le marché de noël. Ah il s’en passe des choses à Crécy ! et c’est toujours mieux d’année en année.
– tu parles !  ça c’est comme tous les ans, qu’y-a-t-il eu d’original cette année ?
– euh … Voul’stock
– ça c’est à Volangi, ne me raconte pas de bétise !
– euh … la trike attitude !
– ah oui ces chars bizarres et pétaradants qui ont envahi le Pré Manche. On les a vu passer du haut du beffroi, on avait envie de leur envoyer quelques boulets.
– et puis la collégiale de La chapelle est à nouveau ouverte.

– Parlons-en ! et qu’en faites-vous de la collégiale ? alors qu’il y a un si grand potentiel touristique. De mon temps on aurait détourné les chemins de Saint-Jacques pour passer par un si bel édifice.
– nous on a bien le Paris-Colmar ; ils ne vont pas vite mais ils n’ont pas le temps de s’arrêter pour visiter.
– il n’empêche qu’il y a du progrès à faire dans cette cité. Brionaute, toi et les tiens, je te charge d’une nouvelle mission.
"En plus de relater les informations locales, de donner la parole aux gens, de les distraire par des fables tel le trouvère hkir, de blablater comme certaines brionautes, je compte sur vous pour imaginer une animation à Crécy, un "événement" comme vous dites."
– soit messire, nous allons réunir le conseil des sages brionautes et réfléchir à cette excellente suggestion.
– ce n’est pas une suggestion, c’est un ordre !

"- Lutin, vous allez raccompagner ce brionaute mais auparavant j’aimerais que notre ami Steichen fasse une petite photo de famille avec tous les fantomes. Vous aurez une preuve de cette rencontre. "

Les fantomes sortirent de leur tannière ; de Isabelle de Crécy à Dunoyer de Segonzac en passant par le Duc de Penthièvre et le général Bourlamaque, ils étaient tous là, Ils vinrent entourer Gaucher et le brionaute pour une photo historique que Steichen exécuta tel le grand professionel qu’il fut.

Notre brionaute se réveilla face à la maison qu’avait habitée Steichen autrefois. Il se remémora vaguement être descendu dans un puits; non ce n’était pas possible, il avait surement révé !
En mettant la main dans sa poche, il sentit le papier glacé d’une photo qui n’était pas là tout à l’heure …