Pierrefonds, balade arthurienne en Picardie

Merlin est une série Télé produite par la BBC, très populaire outre Manche. Elle compte aussi de nombreux fans en France, mais jusqu’à une période récente, il fallait être abonné à Canal+ pour suivre les premières saisons.

Comme son nom le laisse deviner, le scénario de la série s’inspire de la légende arthurienne. S’inspire très librement doit-on ajouter. Un Merlin encore jeune homme, serviteur d’un Arthur qui n’a pas encore extrait Excalibur de son rocher. Le jeune sorcier qui découvre ses pouvoirs de magicien sous le contrôle de Gaius son mentor, n’a rien à voir avec l’image popularisée par Disney, d’un Merlin à Barbe blanche coiffé d’un chapeau pointu.

Pour servir de cadre à cette fiction, les producteurs britanniques ont d’abord cherché un château en Angleterre, puis en Europe de l’est. Mais ils n’ont pas trouvé chez eux de site capable d’incarner le Camelot de la légende, ni vrai château fort, ni faux non plus, doté d’une silhouette imposante à l’allure féérique, juste comme l’attend d’un récit de légende et de « Fantasy ». Heureusement, ce château existe en France.

Voila comment la forteresse de Pierrefonds (Oise) est devenue depuis 2008, le Camelot du roi Arthur et de son papa le roi Uther Pendragon.

Dans le film, le château surplombe une ville aux accents moyen-âgeux qui elle, est le fruit de quelques effets spéciaux.

Dans notre réalité du XXIème siècle, la ville de Pierrefonds est une petite bourgade de 2000 âmes, plutôt tranquille. Elle s’étend au pied du château en encerclant un petit lac qui lui donne des airs de ville d’eau.

Et c’est normal car Pierrefonds a connu un passé de ville d’eau au XIXème siècle comme en témoignent d’anciens thermes et un casino aujourd’hui reconvertit.

Pierrefonds-les-bains, son château, ses villas bourgeoises du XIXème, ses restaurants, ses hôtels, son lac colonisé par les nénuphars au milieu desquels se faufilent les pédalos, … à 70 km de Crécy vous êtes déjà partis en vacances.

Nous avons profité d’un des beaux dimanches ensoleillés de ce mois mai pour visiter Pierrefonds. J’ai fait ma première visite du site alors que j’avais 7 ou 8 ans, à l’occasion d’un voyage scolaire qui je crois me souvenir nous avait conduit jusqu’à Compiègne, à quelques kilomètres de là. Par la suite, j’y étais passé à plusieurs reprises sans jamais visiter l’intérieur du château.

C’est maintenant chose faite : « Qui Veult Peut », nous enseigne la devise de la ville.

Je vous épargne les détails historiques délivrés part la guide que nous suivîmes avec assiduité. Reconstruit vers 1390 par Louis d’Orléans, sous forme de château fort réputé imprenable (c’est ce que l’on dit en général), le château fut démantelé par Richelieu, après que ses troupes ne le prissent par la force.

Comme à Montaiguillon-en-Brie, Richelieu rendit la forteresse inutilisable. Du coup, à l’instar de nombreux monuments abandonnés ou vendus comme bien nationaux pendant la révolution, le château servi de carrière de pierres aux habitants de Pierrefonds et sans doute aussi à d’autres promotteurs.

De ce fait, au début du XIXème siècle quand Napoléon 1er le racheta, Pierrefonds n’était plus qu’une ruine. Mais, pas n’importe qu’elle ruine. C’était une ruine ro-man-tique qui émut plus d’un poète de l’époque et même des personnages politiques.

Allez émouvoir un politique (de noble façon bien sûre !), ce n’est pas si évident. Ainsi, le château servit de cadre original et champêtre au mariage très mondain du fils de Louis Philippe. Plus tard, Napoléon III qui fréquentait souvent la forêt de Compiègne pour cavaler après des pauvres bêtes qui tentaient de rester en vie, passa Pierrefonds et s’enticha de la ruine, tout comme l’impératrice qui probablement galopait aux côtés de son mari. 

A gauche : une gravure représentant le chateau avant sa restauration

Le couple envisagea alors de restaurer en partie l’édifice et confia la tâche à Viollet le Duc.

De restauration partielle, le projet prit de l’ampleur quand Napoléon III décida d’en faire une demeure impériale, une résidence de prestige. Plutôt qu’un pied à terre de fin de semaine, le château serait un lieu exceptionnel, un écrin pour y exposer sa collection d’armures.

L’architecte Viollet Leduc, maître du néogothique, est connu pour ses grandes entreprises de restauration, à Vézelay, Notre Dame de Paris, Carcassonne et aussi pour son intervention sur la collégiale de Crécy (du moins c’est qu’on dit ici !. Il profita de l’occasion pour faire de Pierrefonds la vitrine de son art.

A Pierrefonds, le résultat est enthousiasmant, même si les puristes reprochent à Viollet Leduc d’avoir pris beaucoup trop de liberté avec l’aspect et l’esprit original du monument.

Pierrefonds rappelle un peu le château de Louis II de Bavière, qui fut construit à la même époque, mais de toutes pièces. La différence est là, il existe à Pierrefonds un véritable socle historique qui a été conservé dans une large mesure.

Mais ceux qui font la fine bouche en rabattent un peu quand ils apprennent que Viollet Leduc inspira Gaudi à Barcelone, quand il se lança dans la construction de la Sagrada Familia, autre joyau plus contemporain du néo gothique.

On dit que Viollet le Duc coiffa plusieurs casquettes pour concevoir le Pierrefonds moderne : architecte, historien, restaurateur, créateur, fantaisiste, voire humoriste. Violet le Duc ce serait fait plaisir au final.

La Salle "des Preuses", grande salle de réception du chateau

Malgré la diversité architecturale et la fantaisie apparente, il existe une cohérence d’ensemble. Si l’architecte a créé un corps de logis Renaissance à l’intérieur du château, ce n’est pas parce qu’il a réellement existé, ni par erreur.
C’est par souci pédagogique, car nombre de châteaux du Moyen Age ont été réaménagés à la Renaissance par leurs propriétaires pour en améliorer le confort et l’esthétique. En gros Viollet Leduc a prolongé l’histoire du château. Il a décrit sur le plan architectural le devenir probable et possible du château s’il n’avait pas été démantelé, abandonné pendant plusieurs siècles.

Au final, malgré les sommes colossales investies, Napoléon III n’habitera jamais Pierrefonds, seules ses chères armures y furent exposées quelques temps avant d’être rapatriées de toute urgence à Paris devant l’avancée prussienne de 1870.

Viollet le Duc mourut en 1879, alors que la restauration n’était pas terminée faute de budgets notamment. Ceci explique que des éléments de décor sont restés inachevés. Aujourd’hui, ils témoignent à leur tour, d’un moment essentiel de l’histoire du château, celui de sa restauration.

Détails pratiques

Depuis Crécy, comptez une heure un quart en environ pour atteindre Pierrefonds en toute sérénité. Idéal pour une balade printanière ou estivale d’une journée, voire d’une demie journée

Il y a sur place de nombreuses possibilités de restauration pour tous budgets. Les galettes du « snack » crêperie du bord du lac sont très correctes, l’endroit agréable au bord de l’eau : c’est là aussi que se louent les pédalos. Il est également facile de trouver un endroit ombragé pour pic-niquer.
Les parkings aux abords sont gratuits.

Le château est monument historique national et non privé.
La visite vous coûtera 7 euros par adulte plein tarif, elle est gratuite pour les moins de 26 ans.
Bonne visite.

jna

– www.pierrefonds.monuments-nationaux.fr

– Pierrefonds sur Wikipedia